Le rapport exécuté par la Jamestown Foundation, qui se donne pour mission "d'informer et d'éduquer les décideurs politiques", est édifiant. Plus de trente pages extrêmement documentées relatent la situation tragique endurée par la communauté ouïghoure musulmane dans le Xinjiang, région située au nord-ouest de la Chine.
L'étude s'attaque notamment aux traitements réservés aux femmes, et plus particulièrement au contrôle de la natalité. Et le bilan est dramatique : la stérilisation y serait forcée. Dans certains districts, l'objectif officiel de l'année 2020 serait même d'avoir une croissance démographique nulle, précise Franceinfo.
"Nos dernières recherches révèlent un régime draconien de limitation des naissances qui se manifeste par une chute drastique du taux de natalité et de croissance démographique naturelle dans cette région", constate l'Allemand Adrian Zenz, expert de premier plan dans le domaine du maintien de l'ordre dans les régions minoritaires de Chine, et auteur du rapport. "Et ce qui est peut-être le plus choquant, c'est la stérilisation de masse en 2019 dans au moins deux départements."
Il développe : "Entre 14 et 44 % des femmes en âge de procréer ont été stérilisées. Celles qui contreviennent aux règles sont sévèrement punies par des amendes ou des internements. L'objectif fixé dans le Xinjiang est de contraindre jusqu'à 80 % des femmes ouïghoures à poser un stérilet ou à se faire stériliser." Auprès de l'Associated Press, il condamne : "Ce genre de baisse est sans précédent... c'est impitoyable. Cela fait partie d'une campagne de contrôle plus large pour soumettre les Ouïghours."
L'agence américaine relaie notamment l'histoire de Gulnar Omirzakh, une Kazakh d'origine chinoise dont le mari est interné dans un camp de détention qui s'apparente aux goulags staliniens. Plusieurs ONG estiment à entre 1 et 1,5 million les Ouïghour·e·s détenu·e·s dans ces structures aux conditions insalubres, où la torture serait pratiquée.
La mère de trois enfants raconte qu'un jour, les autorités chinoises ont frappé à sa porte pour lui ordonner de se procurer un stérilet, et l'ont menacée de la placer en camp de détention si elle ne payait pas une amende de plus de 2000 euros pour avoir donné naissance à Alif, son troisième enfant.
Selon les spécialistes extérieur·e·s, Pékin souhaiterait assimiler de force la communauté ouïghoure à l'ethnie Han, afin de rendre celle-ci majoritaire dans la région du Xinjiang. Pour l'instant, les Hans y représentent un tiers de la population, contre la majorité dans le reste de la Chine. Adrian Zenz l'assure, il s'agirait "d'une stratégie plus vaste de domination ethno-raciale".
Pour l'Union européenne, la situation ne peut pas attendre. "Si elles sont avérées, des pratiques aussi effroyables constitueraient de graves violations des droits de l'Homme", a déclaré Virginie Battu-Henriksson, porte-parole du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, lors d'un point presse à Bruxelles. "Elles doivent cesser immédiatement et les responsables doivent être tenus pour responsables."
L'UE requiert, une nouvelle fois, d'être en mesure d'effectuer une mission d'observation. "Nous réitérons notre demande à la Chine de permettre un accès et un environnement propice pour des visites d'observateurs indépendants en vue d'une évaluation indépendante, objective, impartiale et transparente de ces questions qui sont une source de préoccupation majeure", ajoute la responsable avant de dénoncer :"Les stérilisations massives constituent un génocide selon une série de textes. Mais pour l'instant il s'agit d'un rapport et cela reste à confirmer".
Joanne Smith Finley, qui travaille à l'Université de Newcastle, au Royaume-Uni, n'émet aucun doute : "Il s'agit de moyens directs de réduire génétiquement la population ouïghoure. C'est un génocide, point final. Ce n'est pas un génocide de type immédiat, choquant, massacrant, mais c'est un génocide lent, douloureux et rampant".
A l'heure actuelle, Pékin nie en bloc. La stérilisation forcée, comme les camps d'internement, que le gouvernement préfère nommer "camps de formation", où l'on apprendrait la citoyenneté et le sport. Zhao Lijian, porte-parole de la diplomatie chinoise, a même assuré que ces allégations étaient "sans fondement" et que le Xinjiang était désormais "stable et harmonieux".