Fabrice Hergott : Nous nous sommes rencontrés en 1992, à l’occasion d’une exposition de l’artiste Martin Kippenberger, grand admirateur et ami de Christopher Wool. En voyant ensuite les expositions de Wool dans une galerie parisienne, j’ai saisi l’importance de son œuvre. Nous avons monté une première exposition en 2006 lorsque j’étais à la direction des musées de Strasbourg, et cela a été une expérience très positive ; puis je lui ai proposé il y a deux ans de faire un projet ici, à Paris. Nous entretenons une relation amicale, mais j’ai surtout une grande estime et beaucoup d’admiration pour lui, j’avais envie de montrer cet artiste qui selon moi est un artiste majeur de la scène contemporaine.
F. H. : Je pense que c’est un des plus grands peintres vivants, d’une extrême rigueur, qui s’interroge beaucoup sur les processus d’apparition de l’image, et sur le rapport visuel, physique que l’on peut avoir avec une image et avec la lumière, très importante chez lui. C’est une peinture extrêmement précise, assez distanciée, froide, mais d’une grande profondeur psychologique et mentale. Son œuvre s’inspire évidemment de Pollock, de Warhol pour l’utilisation de la sérigraphie, qui forme l’unité de cette exposition, mais il y a aussi une très grande référence à la peinture baroque, à laquelle il s’intéresse beaucoup. C’est une peinture très instruite et en même temps très directe. Quand on commence à rentrer dedans, c’est une des peintures les plus saisissantes de notre époque, et en même temps une des plus muettes. Car, que peut-on dire d’autre sinon que ce sont des lignes et des formes qui sont associées dans une sorte d’ordre/désordre, des éléments qui se contrebalancent et s’équilibrent sans arrêt.
F. H. : Je crois que Christopher Wool cherche à rester dans une expérience visuelle, sans que la psychologie et l’interprétation ne viennent réduire la perception qu’on peut avoir de chaque tableau. L’exposition est organisée de telle sorte que l’on soit dans la nécessité de passer beaucoup de temps devant les œuvres, nous avons intentionnellement mis en place des banquettes confortables pour que le spectateur puisse visuellement se perdre dans ces tableaux. Si l’on mettait un titre sur l’un d’entre eux, la vision serait réduite à une image, alors que ce ne sont pas des images, mais des apparitions.
F. H. : Il commence par faire un dessin ou une forme sur papier, cette base va être photographiée, sérigraphiée, redessinée, et combinée à d’autres éléments, comme autant de superpositions, une sorte de « collage » sur ordinateur. Tout cela est travaillé de façon très subtile. Une seule peinture de cette exposition est une peinture brute, « en direct », toutes les autres sont retravaillées, avec des processus techniques additionnés. Il cherche à aboutir à quelque chose qui ne soit pas seulement un équilibre de forme, mais aussi de luminosité, d’éclat et d’intensité. Chaque pixel, chaque point, est réfléchi et concentré. Cela paraît très gestuel, mais c’est tout à fait contrôlé.
A propos de Christopher Wool
L’artiste américain Christopher Wool a émergé sur la scène new-yorkaise au milieu des années 80. Dans les années 1990, il s’est imposé par une œuvre où domine une esthétique urbaine, abstraite et volontiers humoristique, avant de dériver dans les années 2000 vers des compositions de plus en plus complexes et diffuses. Ses peintures plus récentes associent techniques sérigraphiques et peinture à la main dans une grande liberté formelle. L’œuvre de Christopher Wool a fait l’objet de nombreuses expositions internationales, en particulier celles au Museum Boymans van Beuningen (Rotterdam) en 1991, au Museum of Contemporary Art (Los Angeles) en 1998, au Musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg en 2006 et au Ludwig Museum (Cologne) en 2009. L’artiste a participé à la Biennale de Venise en 2011. En 2013, le Musée Solomon R. Guggenheim de New York organisera une importante rétrospective de Christopher Wool.
« Christopher Wool » au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris,
Du 30 mars au 19 août 2012
11 avenue du Président Wilson
75116 Paris
Le site du MaM
Christopher Wool
Sans titre, 2000
Encre pour sérigraphie sur toile de lin
198,12 x 152,4 cm
Collection Sam Orlofsky
Courtesy de l’artiste et de la galerie Luhring Augustine, New York
Christopher Wool
Sans titre, 2001
Encre pour sérigraphie sur toile de lin
228,6 x 152,4 cm
Courtesy de l’artiste et de la galerie Luhring Augustine, New York
Festival de films de femmes : Anne Alvaro et Gisèle Halimi en invitées d’honneur
Helmut Newton au Grand Palais : un photographe pro-féministe ?
Matisse au Centre Pompidou : pour une esthétique de la répétition