#JaiPasDitOui. Le collectif féministe #NousToutes vient de dévoiler les chiffres de son enquête consacrée au consentement, et ils sont accablants. Voyez plutôt, sur un total plus de 100 000 personnes sondées, dont 96 600 femmes (âgées de moins de 35 ans pour 75 % d'entre elles), 9 femmes sur 10 déclarent avoir subi une pression pour avoir un rapport sexuel. Et pour 88% d'entre elles, c'est même arrivé "plusieurs fois". Des résultats qui en disent long sur la banalisation des agressions sexuelles.
Car plus encore que les pourcentages (édifiants), ce sont les énoncés mis en avant qui atterrent. Par exemple, 49,1% des répondantes déclarent avoir déjà entendu "des remarques dévalorisantes" en refusant un rapport sexuel. Reviennent toujours les mêmes qualificatifs : "frigide", "coincée", "pas normale", "chiante". Et parmi les 70% des femmes déclarant avoir eu des rapports sexuels sans en avoir envie mais "sans pression", 25% d'entre elles le confessent : "je pensais que le problème venait de moi". Ce qui en dit long, justement, sur les pressions, insidieuses, à l'origine des relations sexuelles, quand elles ont lieu au sein du cadre conjugal par exemple.
De quoi faire de cette enquête un état des lieux de la culture du viol en France.
Si elle est toujours difficile à énoncer et à définir, on aurait d'ailleurs tort de minimiser cette "pression". Car à en croire le sondage de #NousToutes, elle est bien souvent à l'origine-même de l'initiation sexuelle des individus, et plus encore des femmes. Ainsi pour 1 femme sur 6, l'entrée "dans la sexualité" s'est faite par un rapport non consenti et non-désiré. Et pour 36% de ces sondées, ce rapport a eu lieu avant même leurs 15 ans, en pleine adolescence.
Hélas, l'ignorance du consentement, la violence et l'absence de communication, ne se limitent pas à une "première fois" trop souvent dédramatisée. Cette mécanique perdure. Par exemple, 26% des femmes sondées déclarent avoir "accepté" un acte sexuel après leur accouchement sans en avoir envie.
Ce mépris du consentement accable le corps des femmes, le met en danger : selon le collectif toujours, 1 femme sur 3 déclare s'être déjà vue imposée un rapport sexuel non protégé par exemple. Mais il traumatise aussi. Car il ne faut pas ignorer que les violences qu'un tel acte implique sont sexuelles, physiques, mais aussi psychologiques. D'ailleurs, reporte le sondage, 81,2% des femmes rapportent avoir déjà subi de telles violences au cours de leurs rapports sexuels.
Il s'agit donc, pour le collectif Nous Toutes, d'insister sur le large spectre qu'implique le sujet du consentement. Car saisir la question du "J'ai pas dit oui", ce n'est pas juste rappeler que le viol conjugal existe bel et bien. Mais aussi qu'il faut respecter le "Non" même s'il succède à un "Oui" antérieur. Et pourtant, plus d'1 femme sur 4 déclare avoir déjà demandé, pendant l'acte, que son partenaire s'arrête. Sans que celui-ci n'accepte...
C'est dire si plus que jamais, il faut le répéter, encore et toujours : #JaiPasDitOui. Et c'est désormais sur les réseaux sociaux que ce mot d'ordre se diffuse massivement. Les internautes témoignent de leurs propres expériences et démontrent au passage que ces chiffres sont loin d'être surréalistes. L'une d'entre elles libère ainsi la parole : "#JaiPasDitOui quand ma première fois m'a insultée de tous les noms parce que je voulais m'arrêter là. #JaiPasDitOui non plus quand mon partenaire a physiquement forcé pour ne pas mettre de préservatif. À ces deux hommes, j'ai dit non plusieurs fois. Il faut que ça change s'il vous plaît".
Ces voix qui s'énoncent mettent en lumière toute la complexité du sujet abordé et de cette fameuse "pression", physique et psychologique, notamment lorsque la partenaire finit par "céder" par pure culpabilité. C'est d'ailleurs ce que cherche à nous faire comprendre cette internaute : "C'était mon premier copain, relation à distance, on se voyait 1 à 2 fois par mois. Du coup quand on se voyait c'était : 'c'est l'occasion, on se voit pas souvent, j'ai envie'. Mais moi, non... Mais on se voit pas souvent, ça lui fait plaisir. 'Au moins, après il me fera pas la gueule'... J'étais peut-être trop jeune pour comprendre ce que ça voulait dire. Aujourd'hui, on sait que c'est pas normal, je le sais, et du coup, ça fait mal de mettre des mots dessus...".
Ces chiffres et paroles nous renvoient au bouleversant texte de la journaliste Johanna Luyssen. Évoquant sa douloureuse expérience, l'autrice revient sur les notions de consentement et de "zone grise". Et plus encore sur la manière, incertaine et tout à fait insuffisante, dont est encore envisagé ce "J'ai pas dit Oui" au sein de notre société. Et Johanna Luyssen de le déplorer : "la manière dont on perçoit le viol et dont la loi le définit actuellement, fait que de nombreuses situations violentes ne sont pas reconnues comme tel". D'où l'importance d'éveiller les mentalités et de réaliser de telles enquêtes.