On n'avait jamais entendu parler de Châtelaine, magazine québécois fondé en 1960 et disponible en anglais et en français, avant la parution de son numéro de février/mars. Mais aujourd'hui, son nom se répand sur Twitter comme une traînée de poudre. La faute à un sujet en Une qui n'a pas manqué d'enflammer le réseau social.
Un peu plus d'un an après le mouvement #MeToo, qui a permis à de nombreuses femmes de témoigner du harcèlement ou des agressions sexuelles qu'elles avaient subis, la parution titre "Sexe : doit-on se forcer ou pas ?". Un tollé gigantesque pour cet article que beaucoup d'internautes accusent d'encourager à la culture du viol.
Parmi elles et eux, Caroline De Haas, militante féministe du Groupe F et du mouvement #NousToutes, qui tweete un "Vous vous foutez de nous ?" atterré avant d'expliquer son propos à L'Express : "En posant la question de cette manière, le journal sous-entend que la réponse à la question 'doit-on se forcer' pourrait être oui", affirme-t-elle. "Dans un monde dans lequel des millions de femmes subissent des viols conjugaux, c'est lunaire".
D'autres commentent "Le viol : pour ou contre ?" ou encore "Le viol conjugal : top ou flop ?". Une internaute note que rien n'interdit un titre comme "Sexe : pourquoi il ne faut jamais se forcer", plutôt que de jouer sur le doute.
Quand on regarde au-delà de la couverture, on peut lire que l'autrice s'interroge sur le désir dans le couple en partant du fait que "même quand on aime son conjoint, il arrive que l'on n'ait pas le goût de faire l'amour. Devrait-on faire un effort ou respecter son manque de désir ? La réponse, en apparence simple, se décline plutôt en plusieurs nuances de gris".
S'en suivent plusieurs interventions d'expert·es, qui évoquent les notions de "devoir conjugal", et assure qu'"Il arrive que le désir n'ouvre pas toujours le bal, selon Marie-Pier Vaillancourt-Morel, psychologue et chercheuse en sexologie à l'université de Montréal." Celle-ci explique notamment que des "baisers" peuvent réveiller l'appétit sexuel.
Face aux critiques, le bimestriel répond sur Facebook, qualifiant son reportage de "riche en infos et en nuances" :"Nous sommes très désolées que notre titre de couverture vous ait blessé. Ce n'était pas l'intention. Notre article est tellement nuancé. Nous vous invitons d'ailleurs à le lire - la notion de consentement n'y est aucunement remise en cause, au contraire. Plusieurs experts, dont des sexologues, sont d'avis qu'il peut être bénéfique pour un couple dont la libido est en baisse de tenter d'avoir des rapprochements."
Quand bien même, le titre ouvre le débat comme si les deux réponses étaient acceptables. Et quand on sait qu'en France, au cours d'une année, 219 000 femmes "sont victimes de violences physique et/ou sexuelles commises par leur ancien ou actuel partenaire intime", d'après une enquête INSEE-ONDRP, le simple fait de poser la question semble tout simplement ahurissant.
Sur Twitter encore, une internaute déplore : "Même si c'est pour faire du buzz la formulation est dégueu, parce que tellement de gens (hommes comme femmes) vont voir ça et se dire 'ben oui faut se forcer parfois', vu qu'on en est même pas au début des discussions sur le viol conjugal."