Sur la scène de l'Olympia, nue sous sa peau d'âne, le corps couvert de sang, Corinne Masiero a frappé un grand coup, bousculant la cérémonie très plan-plan des César 2021. Une action forte pour dénoncer la situation précaire des intermittent·e·s du spectacle, dont le secteur est paralysé depuis de longs mois à cause de la crise sanitaire. Mais les réactionnaires ont préféré faire la sourde oreille, concentrant leurs attaques sexistes sur cette messagère révoltée.
Ainsi, dix parlementaire LR, sous l'impulsion du député Julien Aubert, ont interpelé le Procureur de la République de Paris, ce mardi 16 mars, pour "exhibition sexuelle". Une initiative jugée grotesque par l'actrice. Présente aujourd'hui aux côtés des occupants du théâtre Sébastopol de Lille ("des gens qui sont en train de crever la dalle"), Corinne Masiero a répliqué dans l'émission de Mediapart, A l'air libre.
"Qu'une meuf de mon âge se foute à oilpé, sans être rafistolée, avec les miches qui tombent et puis la cellulite et le ventre comme ça et les seins qui font comme ça, pas épilée, rien du tout... Ils se disent : 'oh mon dieu !". Ca révèle beaucoup de choses, non ? On est bien dans une société patriarcale et sexiste."
Alors que son happening visait à montrer que le monde de la Culture était "à poil", l'interprète de la Capitaine Marleau regrette que "ce dont on parle le plus, c'est de mes vieilles fesses en ruines et de mes nichons qui tombent". Mais une partie de son objectif semble atteint : "Ce qui est génial, c'est qu'on en parle (...). Si je ne l'avais pas fait, on ne pourrait pas parler de la précarité des gens qui sont de la culture, des gens de l'éducation, de la santé et des élèves."
Son intervention politique a d'ailleurs été saluée par des "messages du Brésil, de Corée du Sud, des Etats-Unis, d'Inde" et par un "tsunami de 'merci', de 'Je t'aime', de 'merci de prendre la parole pour nous'", souligne-t-elle, ajoutant que "beaucoup de nanas d'un certain âge qui m'ont dit : 'Merci de montrer votre corps'. Parce que voilà, on a le droit d'exister aussi". Une façon de rappeler l'invisibilisation des femmes de plus de 50 ans dans une société pétrie de jeunisme.
Revenant sur la sortie fracassante d'Adèle Haenel lors des César 2020 ("Je n'ai pas sa classe"), Corinne Masiero balance : "Moi, ma force, c'est d'être moche, populaire et vulgaire. 'Vulgaire', c'est ce qui vient du peuple. Et donc si ça gêne des gens, posez-vous la question : 'Pourquoi ça vous gêne messieurs-dames ?'"
Des uppercuts bien sentis contre une classe politique et des sexistes qui crient au scandale face à un corps de femme dénudée plutôt que de s'indigner du problème de la paupérisation galopante.
Non, Corinne Masiero n'est pas "moche". Elle est grande et belle. Et sa colère est puissante.