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Pourquoi il est urgent que les influenceurs se préoccupent (enfin) de la planète
Publié le 27 mai 2022 à 11:43
Par Pauline Machado | Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Dans une tribune puissante publiée sur les réseaux sociaux, des étudiant·es du Master Développement Durable de Dauphine interpellent les influenceuses et les influenceurs qui contribuent à une hyperconsommation dévastatrice pour l'environnement.
Léna Situations, influenceuse interpellée par la tribune. Léna Situations, influenceuse interpellée par la tribune.© Abaca
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"L'intitulé de votre métier en dit long. Le pouvoir que vous avez sur les personnes qui vous regardent est inédit et il est temps de s'en servir". Dans leur Lettre ouverte aux influenceurs et influenceuses, plusieurs étudiant·es du Master Développement Durable de l'université de Dauphine, à Paris, sonnent l'alarme. Le but de leur texte percutant et nécessaire : pousser les créateur·rices de contenus à prendre leurs responsabilités face aux conséquences environnementales de leur métier.

"A l'instar du scandale des Ouighours, celui de l'urgence climatique suscite les mêmes effets chez vous : l'inaction et le déni. Vous continuez de partager vos modes de vie et de consommation ultra-abondants, témoin d'une réussite professionnelle et personnelle hors sol", lit-on. Réussite qui, en plus d'être à l'origine de l'explosion de leur propre budget carbone annuel, explose par la même occasion celui de leurs abonné·es, à coup d'allers-retours pour le festival Coachella en Californie et de commandes d'articles de fast fashion à outrance.

Estelle Hensgen, instigatrice et corédactrice de la tribune avec Priscille Marques et Solène Keribin, nous explique l'urgence dans laquelle elle a été conçue.

"Après le premier tour de l'élection présidentielle et la déception qui s'en est suivie, il fallait faire quelque chose", confie-t-elle. "Je réfléchissais depuis un moment au comportement des influenceur·euses et je voyais qu'autour de moi, beaucoup de personnes en avait marre également." Alors, les signataires exhortent leurs destinataires à "informer", "expliquer" et "apprendre". Et de conclure : "Le temps presse. Vous avez du pouvoir, servez-vous-en".

Pour développer plus encore leur objectif et les convictions qui le nourrissent, l'activiste a répondu à nos questions.

Terrafemina : Pourquoi est-il urgent d'interpeller les influenceurs et influenceuses ?

Estelle Hensgen : Les influenceur·euses ont un pouvoir immense puisqu'iels donnent l'exemple à beaucoup de gens, surtout des jeunes. Malheureusement, iels bâclent, voire bâchent complètement ce côté environnemental et [promeuvent] des modes de vie aberrants : des commandes de vêtements à tout va, des placements de produit parfois abusifs.

Pour donner quelques noms de ce que j'ai pu voir ces deux derniers jours et qui m'ont énormément énervée : Léna Situations fait des aller-retours fréquents Paris-Los Angeles, puis prend l'avion pour le festival de Cannes là où elle aurait pu privilégier le train. EmilieTalk a, quant à elle, réalisé un aller-retour en avion Paris-Cannes en une journée.

Le commun des mortel·les essaie de faire des efforts, se prive de beaucoup de choses, change ses habitudes alors que les influenceur·euses continuent de vivre de manière indécente et de mettre en avant ces modes de vie qui ne sont plus possibles de réaliser en ces temps de crise environnementale mondiale sur laquelle nous sommes. Crise, en plus, très bien renseignée (les rapports du GIEC font le tour des réseaux sociaux et ils ne l'ont probablement pas raté).

Qu'attendez-vous concrètement de cette lettre ouverte ?

E. H. : On aimerait par la lettre que leurs comportements soient pointés du doigt et peut-être même considérés comme honteux. Il est très compliqué de les interpeller individuellement, si ce n'est impossible, le format de la lettre ouverte peut vite l'emmener à leurs oreilles.

Cependant, je ne pense pas que la lettre ait changé quelque chose pour elles et eux dans le cas présent, peut-être que certain·es l'ont vue, ont réfléchi, mais je n'en suis pas sûre. C'est une première bouteille lancée à la mer et, même si elle n'a pas eu le retentissement nécessaire pour leur parvenir, elle a néanmoins été largement partagée et vue, c'est déjà une fierté et un bon début.

Peut-on être influenceur·euse et ne pas contribuer à polluer massivement la planète ?

E. H. : Evidemment, tout est possible dès lors qu'on le veut. Le travail c'est une chose, et c'est évident qu'iels doivent gagner de l'argent pour vivre mais iels ont un pouvoir sur ce qu'iels choisissent de mettre en avant. Je ne pense pas qu'iels soient privé·es de libre arbitre.

Certain·es influenceur·euses ne participent pas à la pollution massive de la planète : c'est le cas de Swann Périssé qui est très engagée dans la lutte environnementale. Alors oui, c'est possible, il suffit de faire l'effort et d'y mettre de la bonne volonté.

Quelles sont les premières actions qu'iels devraient mettre en place, selon vous ?

E. H. : Déjà, iels devraient se renseigner. Arrêter de prendre l'avion comme si cela n'avait aucun impact. Arrêter de faire l'apologie de modes de vie et de consommation abusifs qui ne sont ni nécessaires, ni durables.

Iels doivent apprendre à renoncer à certains projets (par exemple Squeezie et sa vidéo de course de Formule 1), c'est dommage mais beaucoup d'entre nous le font déjà et nous n'avons pas de communauté à qui montrer l'exemple. Iels doivent arrêter de faire des placements de produits pour n'importe quelle marque, c'est aussi leur refus qui permettra aux marques de changer leurs modes de production et tout ce qui s'en suit.

Pourquoi gardent-iels ces "oeillères", selon vous ?

E. H. : Je pense qu'en tant que personnes actives sur les réseaux sociaux, elles sont au courant de ce qu'il se passe. Si elles ne le sont pas, elles peuvent aisément se renseigner. Selon moi, pour ne pas entacher leur métier et continuer à vivre comme iels le veulent, les influenceur·euses préfèrent fermer les yeux sur ce qui se passe, on appelle ça le syndrome de l'autruche. Beaucoup de gens ont peur et sont inquiets de cette crise et préfèrent ainsi vivre dans le déni.

Pourtant, on ne peut plus se le permettre, c'est ce que nous entendons par le fait de leur demander d'ôter leurs oeillères. Le réchauffement climatique est là, il est puissant, les conséquences sont et seront très importantes (on voit déjà les vagues de chaleur qu'il y a eu en Inde et au Pakistan). On ne peut plus fermer les yeux sur ce qui se passe, ce comportement est lâche et pas viable pour la suite.

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