Où se situe la limite entre séduction et harcèlement ? Sans doute dans l'envoi de 15 000 textos, en neuf mois (soit une moyenne de 1 600 SMS par mois), à une même destinataire. Tel est le calvaire qu'aurait enduré Agnès Desmaret, ancienne collaboratrice d'Eric Raoult à la mairie du Raincy (Seine-Saint-Denis).
L'ex-directrice du Centre communal d'action sociale (CCAS) a porté plainte pour harcèlement moral et sexuel contre l'édile, après son licenciement survenu en juillet 2012. La jeune femme de 33 ans estime que son renvoi est dû à son refus de céder aux avances de l'élu UMP.
Agnès Desmaret a fait compiler plusieurs centaines de ces messages par un huissier de justice. Des saillies, imputées à Eric Raoult, bien loin des envolées lyriques de Louis Aragon ou de Théophile Gautier. Le 24 novembre 2011, à 8h10, il écrit : « J'ai des é….. matinales, même quand vous n'êtes pas là ! » Le 9 décembre, visiblement mal remis des raideurs de l'aube il lance : « C vous espèce de S… ! ».
Celui qui dirige la ville du Raincy depuis 1995 n'hésite pas à se livrer à des métaphores graveleuses pour parvenir à ses fins, comme en atteste ce SMS : « Vos seins sont notés triple A dans les textos de DSK ». « 3e douche glacée ! Je vais demander à Guéant (ministre de l'Intérieur de l'époque, ndlr) de vous mettre sous protection policière ! Arrêtez je vais craquer », martèle-t-il encore. Et l'élu qui s'en était pris à NTM en 1996 de s'essayer à la punchline : « Agnès, les jolies fesses » ou « Agnès, la reine des caresses ».
Agnès Desmaret, également connue pour avoir participé à l'émission de téléréalité L'Amour est aveugle, diffusée sur TF1, assure avoir tout fait pour demeurer dans un registre professionnel. Au début de l'année 2012, encore en attente de titularisation, elle accepte d'accompagner le maire quelques jours à Saïdia (Maroc) dans le cadre d'un accord de jumelage avec Le Raincy. Une fois sur place, Eric Raoult lui aurait expressément demandé de monter dans sa chambre d'hôtel. Face au refus de la collaboratrice, la réponse est cinglante. « J'ai reçu ce SMS : "La mairie, pour vous, c'est fini" », indique-t-elle.
Le 16 juillet 2012, elle décide de porter plainte et en informe le maire par SMS. Une semaine plus tard, une plainte pour vol et détournement de plusieurs centaines d'euros des caisses du CCAS est déposée contre Agnès Desmaret. En arrêt maladie, la jeune femme a été mise à pieds deux ans, en décembre 2013.
Eric Raoult crie, de son côté, à la manipulation à quelques jours du premier tour des élections municipales. Et accuse à son tour : « Moi, je suis suspecté d'harceler. Mais on ne soupçonne pas une fille d'aguicher », a-t-il confié à L'Express. Et de justifier : « Entre le moment où (Agnès Desmarest) a été engagée et le moment où je l’ai rencontrée, elle a fait refaire sa poitrine et sa physionomie a changé ». Le maire concède pudiquement des « échanges » où il a pu dire « qu'elle était jolie ». Il avoue « un moment de faiblesse » et invoque « l'humour » tout en niant une quelconque volonté de vengeance envers celle qu'il considère comme « une aguicheuse qui (lui) a tendu un piège (…) dans le but de (l)'affaiblir politiquement ».