À chaque Fashion Week, c’est le même rituel. On campe sur le fil Twitter de Loïc Prigent et on se régale en lisant ses « brèves du front row » surréalistes entendues pendant la grand’messe de la mode.
"L'inspiration, c'est Jeanne d'Arc à Miami." #PFW
— Loic Prigent (@LoicPrigent) 20 Janvier 2014
"Je peux pas t'inviter, on est en espace réduit, le défilé a lieu dans un utérus de 200 personnes." #PFW
— Loic Prigent (@LoicPrigent) 24 Février 2014
"A New York le 11 septembre il y avait de la poussière partout, alors elle est sortie de chez elle en saharienne Saint Laurent." #PFW
— Loic Prigent (@LoicPrigent) 22 Janvier 2014
Le fou rire passé, on se demande qui sont ces gens suffisamment perchés pour lâcher de telles perles. Plongée dans la faune du front row…
Le public de la Fashion Week dépend d’abord beaucoup de la nature du défilé. Il y a la Haute Couture, une Fashion Week très particulière qui se déroule en janvier et en juillet - seulement à Paris - et réservée à un public très restreint. Les créations qui y sont présentées sont d’ailleurs destinées à un public encore plus limité qui les portera pour des cérémonies comme Cannes ou les Oscars. Pour assister aux shows, peu de places et peu d’élus : en gros les rédactrices en chef des très gros titres de la presse mode, l’armée Vogue en tête (Anna Wintour, Anna Dello Russo, Emmanuelle Alt…), des superstars, de richissimes acheteurs et c’est tout. Dans un documentaire de Prigent sur un défilé Jean-Paul Gaultier Haute Couture, on voit des acheteuses ultra-fortunées refuser d’être au premier rang de peur d’être photographiées et enlevées ensuite par des petits malins avides de rançon. Un autre monde.
Le prêt-à-porter, c’est différent, il y a quatre Fashion Weeks à chaque saison (New York, Milan, Londres et Paris). Côté invitations, c’est évidemment moins strict : plus de journalistes (on invite AUSSI les magazines moins prestigieux), plus de people. Pour les journalistes qui veulent décrocher leur sésame, mieux vaut s’accoquiner avec l’attachée de presse du défilé convoité. Une fois entré dans le saint lieu, la hiérarchie fait rage. On se croirait presque au lever de Marie-Antoinette. Au premier rang (« row »), les rédactrices en chef et les people, au deuxième rang, les rédactrices en chef adjointes et les stylistes des magazines. Plus loin, d’autres stylistes et le copinage. Derrière, le « standing » (soit les gens qui restent debout pendant le défilé, en général la petite cousine de l’attachée de presse à qui on a lâché une place à la dernière minute parce que c’est son anniversaire, ou l’assistante de la styliste).
Naturellement, l’attachée de presse en charge du placement se doit d’éviter les bourdes comme placer deux rédactrices de titres concurrents côte-à-côte. Elle doit tout savoir, quelle styliste est sortie avec quel photographe, qui déteste qui. Invitations, placements, absents, remplacement, tout ceci est un tel casse-tête qu’une application baptisée Fashion GPS a récemment été créée. Toutes les grandes marques y auraient désormais recours pour le placement des défilés.
>> "Le monde selon Karl" : 9 citations inoubliables de Karl Lagerfeld <<
C’est le créateur qui choisit les people invités à son show… en fonction de l’image et du positionnement de la marque. Chez Chanel on met les égéries de la maison au premier rang of course (Vanessa Paradis, Anna Mouglalis), des filles qui représentent bien l’esprit de la maison… Ou qui buzzent comme Cara Delevingne. On ne trouvera pas le même public chez les petits créateurs. Après, tout est une question de symbole : les années précédentes on a vu Valérie Trierweiler chez Saint Laurent et la princesse hip hop Iggy Azalea plutôt chez Vivienne Westwood. Nathalie Kosciusko-Morizet chez Céline… et Anne Hidalgo chez Jean-Paul Gaultier.