Etre égalitaire, est-ce être has been ?
Question absurde mais que les principales actrices de la mode se posent depuis quelques temps alors que le paysage fashion semble de moins en moins concerné par des termes tels que : body positive, inclusivité, pluralité. En somme, par l'idée de promouvoir la diversité des corps sur les podiums, aux antipodes des années 90 et de l'âge d'or d'une Kate Moss. Alors que les années 2010 ont été marquées par un essor fabuleux du mouvement body positive, et body neutral, en somme le règne (très relatif) des mannequins dit 'high size" comme Ashley Graham, les années 2020 pourraient faire office de retour de bâton fracassant.
Et cela, la Fashion Week de New York pourrait le démontrer.
C'est ce que redoute la mannequin Lauren Chan sur Instagram, qui déplore que les grandes entreprises réduisent leurs efforts d’inclusion, "que ce soit sur les podiums ou via des initiatives de diversité" en se contentant à peine de "cocher une case", Ce qui pourrait se percevoir aussi du côté des grands événements fashion.
A moins que ?
Où sont les formes ?
La Fashion Week 2025 qui prendra place ce 6 février à New York fait déjà beaucoup grincer des dents alors que les spécialistes de la mode redoutent un défilé trop peu inclusif, diversifié, body neutral et féministe. Trop peu dans l'air du temps en somme. C'est notamment la journaliste Tyler McCall qui s'interroge dans une tribune du côté de refinery 29.
La journaliste y critique une industrie mode qui se complaît dans les mêmes archétypes et représentations dépourvues d'audaces, correspondant aux sempiternels diktats. Une standardisation globale des corps immortalisés par les flashes des photographes. Ce que démontrent de très récentes Unes très controversées du milieu, comme celle de Vogue. "Embracing diversity!", a titré cette Une de janvier dernier mettant en scène... Des mannequins tout sauf high size. Et plus encore : une seule femme noire, des types de corps tous identiques...
Une couverture qui avait beaucoup fait réagir sur TikTok. Tess Holiday, mannequin et créatrice de contenus body positive, l'avait ouvertement taclée l'espace d'une vidéo cinglante : "C'est juste... Nul en fait. Ce n'est pas okay. Ce n'est pas la réalité. Dans l'univers de la mode il y a tellement de mannequins, toutes différentes, qui pourraient rendre cette couverture merveilleuse"
"J’ai personnellement dû vérifier trois fois la date sur le post pour m’assurer que la séance photos de Vogue avait eu lieu en 2024, tellement elle ressemblait aux fines couvertures de Vogue dont je me souvenais du milieu des années 2000, toutes avec des mâchoires, des clavicules et des os des hanches pointus", tacle de son côté refinery 29.
Mais ce n'est pas tout...
Et puis, à tout cela, s'ajoute un énorme problème : l'Ozempic.
Pour rappel, l'Ozempic est un médicament contre le diabète, trop souvent détourné ces dernières années pour favoriser d'importantes pertes de poids. De nombreuses célébrités ont effectivement reconnu y avoir eu recours à des fins amaigrissantes. En septembre dernier par exemple, la demi-sœur de Kate Moss, Lottie Moss, a confié au micro de son podcast, “Dream On”, avoir fini à l’hôpital après avoir pris de l’Ozempic pendant deux semaines. Car sans surprise, le mauvais emploi de ce médicament peut avoir des conséquences désastreuses sur la santé.
Or, l'usage de l'Ozempic est à la fois une calamité, et un tabou, au sein de la mode, où les corps des femmes sont naturellement associés à d'impossibles exigences physiques. Des normes imposées épousant le culte du régime, quitte à générer de très sérieux troubles alimentaires pour les principales concernés. Sans omettre d'autres troubles, comme la dysmorphie corporelle.
refinery 29 d'ailleurs perçoit certains événements récents de la sphère fashion comme "la collection Miu Miu printemps 2022, qui mettait en vedette des mannequins très minces pour mettre en valeur les ultra-mini-jupes typiques d'Abercrombie" comme complètement symptomatiques de cette "ère Ozempic" qui marquerait un grand retour... Vers l'ultra maigreur. Autrement dit, une régression qui semble "particulièrement ramener la culture pop dans son ensemble aux normes de minceur qui dominaient le début des années 2000".
L'ère Keira Knightley, quoi.
Et cela dépasse d'ailleurs de loin la mode : à Hollywood, l'Ozempic fait fureur, semble-t-il. On vous en parle ici.
Le fâcheux bilan ne s'arrête pas là !
A côté de cela, refinery 29 déplore une absence de recrudescence d'emplois pour les mannequins high size, qui souffriraient aujourd'hui d'un grand manque de visibilité. "Les opportunités pour les mannequins grandes tailles dans la mode disparaissent à un rythme alarmant : pendant la saison printemps/été 2020, 86 mannequins grandes tailles ont défilé dans les quatre grandes villes ; au printemps/été 2025, ce chiffre était tombé à 0,8 %", observe le magazine.
Difficile de ne pas y voir là un "backlash" : quand aux avancées féministes contemporaines rétorque une très sévère régression sociale au sein des institutions, et notamment des médias. La mode n'y échappera peut être pas. Il y a en tout cas un vrai contraste entre la visibilité du néoféminisme, et du pop féminisme, sur les réseaux sociaux, et ces opportunités réduites pour les professionnelles "sur le terrain".
Mais il y a de l'espoir.
La mannequin Lauren Chan en est en tout cas persuadée.
Elle se réjouit sur Instagram et auprès du média 2.0 de l'influence de grands noms influents de la mode, du côté des mannequins high size. Des grands débats actuels aussi : "Je pense que c’est un signe de progrès que nous ayons de vraies conversations à propos du succès des médicaments comme l'Ozempic. Même si l'industrie présente une certaine régression en matière d’inclusion des tailles, c’est quand même un progrès que d’avoir ces conversations ; nous avons toujours une longueur d’avance dans le jeu du deux pas en avant, un pas en arrière"
La professionnelle observe également que de plus en plus de mannequins grande taille, même inconnues, sont mises en lumière lors des événements-mode. Même si les exigences sont très basses : de zéro à "quelques unes"... Et surtout, que les années 2020 seront marquées par l'essor de nouveaux créateurs et créatrices, "qui s’investissent réellement dans l’amélioration de la situation plutôt que de cocher une case de diversité". En somme, il faudra encore attendre quelques années pour que cette nouvelle génération s'impose définitivement.
De quoi espérer un brin d'audace à New York ?