"LSF Family". Voilà un nom de crew peu commun, vous en conviendrez. Car par "LSF" il faut comprendre : "Langue des signes française" bien sûr. C'est cet acronyme que porte en étendard Camille, la jeune instigatrice (26 ans seulement) du fabuleux compte Camille te signe. Sensibilisée à la surdité par son grand-père, elle décide, à 20 ans, d'étudier la langue des signes. Depuis, au fil de ses vidéos ludiques aux plus de 177 000 fans, la vidéaste fait la promotion de ce langage encore trop incompris auprès du large public de TikTok France à et délivre de nombreuses traductions où s'enlacent alphabet, expressions de tous les jours et couleurs.
Saluées par des milliers de like et abondamment commentées, ses publications ne sont pas simplement une belle initiation à la "LSF" - qui bien souvent suscite préjugés, moqueries et incompréhension. Non, elles sont aussi le signe, justement, d'un désir d'inclusion et de bienveillance, nécessaire à toute plateforme sociale. Pour Terrafemina, Camille revient sur son engagement (multiple) et la façon dont la culture TikTok s'en fait l'écho.
Camille te signe : Oui, sur TikTok France, qui est une plateforme toute jeune (et sur laquelle je suis tombée un peu par hasard), on en manque également. Mais chez les créatrices et les créateurs américains, on trouvait déjà quelques comptes en langue des signes (américaine forcément) avant que je ne me lance, il y a de ça un an et demie. Je me suis demandé : pourquoi ne pas essayer de rendre TikTok France tout aussi accessible ?
Au fil de ces vidéos, j'ai pu faire mûrir mon projet et m'entourer des bonnes personnes. Avec ce compte, je souhaitais aussi répondre à toutes les questions que les gens se posent. Car sous mes vidéos on comprend que les internautes sont toujours curieux même si leurs interrogations peuvent être maladroites : "Tu as une maladie ?", "Pourquoi tu bouges les mains comme ça ?", "Tu es sourde et muette ?"...
Aujourd'hui encore des utilisatrices et utilisateurs viennent me voir pour me dire "je connais un peu la langue des signes" ou bien "mes parents sont sourds", et je les encourage en retour à produire des contenus bienveillants autour de cette langue, et plus généralement autour de la sensibilisation à la culture sourde, comme un cercle vertueux.
Camille te signe : Oui bien sûr, je me suis dit qu'il y avait forcément quelque chose à faire. Je souhaitais sensibiliser les gens car moi aussi, je ne savais pas tout avant, loin de là, je faisais également des erreurs communes. L'idée est de se dire que si celles et ceux qui ne savent pas apprennent de leurs erreurs, ils transmettront ce savoir aux autres.
En ce qui me concerne, j'ai commencé à apprendre la langue des signes quand j'avais 20 ans et cela m'a pris à peu près trois ans pour bien la maîtriser. Et déjà à l'époque, j'étais consciente du manque de visibilité de cette langue et de cette culture. J'avais déjà envie de changer les choses !
Bien sûr, il faut aussi accepter que certaines personnes continueront toujours à se tromper malgré tout, rester compréhensive. Leur faire savoir, effectivement, que l'on dit "langue des signes" et pas "langage des signes", mais aussi qu'il existe une langue des signes française, une langue des signes américaine...
Camille te signe : La différence, c'est effectivement que le public de Tik Tok est vraiment jeune. Et puisque l'arrivée de TikTok en France l'est également, je pense que les gens viennent davantage vers tes contenus en tant que curieux – et peut être avec des a priori également.
Aujourd'hui, ils sont certainement plus habitués et la plateforme et se rendent compte que ce que l'on y trouve est varié et plein de créativité. Alors qu'au début, tout le monde tâtonnait davantage sur TikTok, on souhaitait surtout essayer de faire des choses.
Camille te signe : Totalement. On a pu le voir depuis le début du confinement avec les nombreux discours du président Macron et du premier Ministre : les interprètes ont été largement moqué·e·s sur les réseaux sociaux (vraiment tous !) par les personnes entendantes. On s'est pris des remarques de plein fouet. Il y a eu un vrai manque de communication, mais aussi de bienveillance, de respect, qui démontre que les personnes sourdes sont encore beaucoup trop stigmatisées.
On pense que les personnes sourdes sont forcément muettes, qu'elles ont des problèmes mentaux, on ne comprend pas vraiment ce qu'elles ont en vérité. Il y a tellement d'idées reçues, et il faut essayer de les corriger. Même dans les écoles, je constate que trop peu de choses sont encore faites sur la surdité.
Un aveugle, on sait très bien ce qu'est concrètement. Mais un·e sourd·e, on ne sait pas encore. Je pense qu'il serait intéressant de sensibiliser les enfants à tout cela dans les classes : quand on est sourd·e, qu'est-ce que cela veut dire ? Quand on est muet·te, qu'est-ce que cela veut dire ? Il y a encore un gros travail de sensibilisation à faire et pour tous les âges : tout le monde est au même niveau là-dessus.
Camille te signe : Oui, c'est quelque chose de très générationnel et propre à TikTok en même temps. On est né·e·s avec les réseaux sociaux et au fil de leur évolution, les tabous se sont plus facilement envolés au fur et à mesure. Désormais, on est entièrement conscients de nos droits de parole et d'expression. Et on – les adolescent·e·s, les jeunes adultes - n'a plus vraiment peur de dire le fond de notre pensée, avec moins de filtre que les générations antérieures.
Et TikTok démontre aussi cela, avec bien souvent une spontanéité que l'on ne retrouve pas forcément sur des plateformes plus anciennes. Sur TikTok, il nous arrive évidemment de faire du montage, de retoucher, de mettre des effets, mais on recherche moins la perfection que sur YouTube. Les vidéos sont courtes, le message doit donc être limpide et efficace. Mais sans pour autant rejoindre le côté artificiel de certaines autres applications.
Et puis, depuis le temps que j'y suis, je constate qu'il y a beaucoup de bienveillance sur TikTok, ce qui aide à aborder ces sujets. Sinon je ne serais pas restée aussi longtemps ! Il y a eu des ratés bien sûr car l'appli est jeune, mais c'est surtout la bienveillance que je retiens, le fait qu'au final tout cela soit très ouvert d'esprit.
Camille te signe : Je trouve ça bien que TikTok mette en avant ce genre de projets et de campagnes. Et qu'à travers celui-ci je puisse amener cette dimension "langue des signes" en plus, afin de garantir la diffusion la plus efficace du message, qu'il soit accessible au plus grand nombre, compréhensible par toutes et tous. Au final les gens reprennent la vidéo, la diffusent, la partagent... Et ça dépasse largement TikTok !
RouxLylou : c'est une amie, qui a récemment lancé le hashtag #hotsummerbodies (un mouvement auquel j'ai participé), afin de montrer qu'on a toutes et tous des corps différents et que tous les corps sont beaux, mais aussi pour répondre à tous ceux qui veulent censurer le corps des femmes.
MatDeuh : un super compte de magie et d'effets spéciaux, qui parle de retouches par ordinateur.
Fabian : l'un des premiers garçons à avoir proposé des tutos maquillage sur TikTok France.