"Pourquoi les femmes trompent-elles ? La question serait plutôt de savoir pourquoi les femmes ne doivent pas tromper", rétorque Virginie Girod, docteure en histoire, spécialiste de l'histoire des femmes et de la sexualité, lorsqu'on l'interroge sur les raisons derrière l'infidélité féminine.
L'experte nous explique que tout a commencé lorsque les hommes se sont sédentarisés, au Néolithique, environ 9000 ans avant JC. "Le seul moyen pour eux d'avoir le contrôle de leur filiation, c'était d'interdire aux femmes d'aller voir ailleurs", et par conséquent de s'approprier leur corps. C'est vrai que 11 000 ans avant l'invention du premier test de paternité, le mystère pouvait demeurer entier. Et la filiation était une obsession.
"Pour mettre en place un système patriarcal, quelle que soit la société, il est nécessaire pour l'homme de savoir qu'il est le père des enfants qu'il élève, afin qu'il transmette son bien, son nom. Et pour en être certain, il n'y a pas d'autres solutions que de limiter la sexualité féminine", ajoute Virginie Girod. "Alors bien sûr, puisqu'on ne va pas dire aux femmes qu'elles n'ont pas le droit de vivre leur sexualité comme elles l'entendent parce que les hommes en ont peur, on crée des raisons sociales et religieuses qui vont dans ce sens".
La mère et la putain, la "bonne" femme et la salope.
S'en suivent des siècles de culpabilisation de la femme adultère, et de la femme sexuelle tout court. Les deux termes étant forcément opposés, on ne pouvait décemment pas être une bonne génitrice si on aimait aussi le cul - encore moins si on osait se laisser guider par ses pulsions.
En France, 35 % des femmes admettent avoir déjà été infidèle au moins une fois à un·e de leurs partenaires, au cours de leur vie. Et ce, qu'il s'agisse d'un baiser, de sexe oral "sans aller plus loin" ou d'un rapport sexuel, rapporte une étude de l'Ifop commandée par Gleeden.
Quand on réfléchit au pourquoi du comment, on en vient à se demander si cette transgression des règles de fidélité purement sociétales ne cacherait pas une envie de reprendre un pouvoir qu'on a ôté aux femmes en les cantonnant au foyer, ou en instaurant l'inégalité des sexes.
Pas vraiment, selon Virginie Girod. Ou alors un pouvoir corporel plutôt que politique. "Les raisons derrière l'infidélité sont multi-factorielles, cela peut être d'une part car on se sent délaissée par son conjoint, ou encore parce qu'on ne trouve pas de satisfaction au lit", affirme-t-elle. Elles diffèrent aussi d'une époque à l'autre, au gré des guerres et des modes de vie.
"Il s'agit cependant d'une prise de pouvoir dans le sens où l'on déjoue les règles sociales, où l'on s'autorise à aller chercher son plaisir". Prendre sa sexualité en main en allant chercher l'orgasme ailleurs, donc. Un orgasme qui est lui aussi au coeur de cette limitation de la sexualité féminine : "La capacité orgasmique des femmes est nettement supérieure à celle des hommes. Elle les terrorise car ils se retrouvent face à l'inconnu".
Pour Sophie Bramly, autrice féministe d'Un matin j'étais féministe (ed. Kéro/Calmann-Lévy), les généralités sur le sujet sont également à éviter : "A travers les siècles, les moeurs ont été différentes. Au XVIIIe par exemple, c'était entendu de tromper son conjoint, il fallait seulement rester discrète", commente-elle.
"Il ne faut pas oublier non plus que jusqu'au XXe siècle, le mariage était une institution économique, l'amour se trouvait en dehors. De tout temps, les hommes et les femmes ont assouvi leurs pulsions (identiques pour les deux sexes) de la même manière. Les femmes ont toujours trompé, il y a juste eu un moment dans l'histoire où c'était plus accepté que d'autres."
Qu'est-ce que l'infidélité après tout ? Où place-t-on le curseur à l'échelle globale du terme ? Au baiser, à l'orgasme, au mental ? Si on en croit l'étude de l'Ifop citée plus haut, 52 % des Françaises confessent des infidélités "psychiques". Rêver d'un rapport avec quelqu'un·e d'autre, se masturber en pensant à son ex ou encore faire l'amour en imaginant qu'à la place de son partenaire, il y a une tierce personne. "On a tendance à parler uniquement d'acte sexuel", ajoute Sophie Bramly, "mais si on englobait la pensée, on verrait bien que tout le monde trompe tout le temps."
"On ne peut pas continuer à illusionner avec un discours politiquement correct" qui diabolise l'infidélité, poursuit-elle. Ce serait en effet se fourrer le doigt dans l'oeil. Surtout quand on sait que l'espérance de vie augmente, que nos envies sont au beau fixe et qu'à en croire les chiffres, s'accorder un petite douceur extra-conjugale quand on est une femme, n'est pas près de passer de mode.