En 2020, une nouvelle suscitait une insensée controverse : l'actrice britannique d'origine jamaïcaine Lashana Lynch, 32 ans, sera la prochaine agente 007 à l'écran. Non pas James Bond à proprement parler, mais l'héritière de son nom de code, suite aux événements détaillés dans le 25e film de la saga, Mourir peut attendre. Une news qui avait engendré une vague de haine sur la Toile. Victime de cyberharcèlement, Lashana Lynch avait finalement quitté les réseaux sociaux.
"Je suis une femme noire - si c'était une autre femme noire dans le rôle, elle aurait eu les mêmes attaques, les mêmes agressions. Je dois juste me rappeler que fais partie de quelque chose qui sera très révolutionnaire", avait alors déclaré l'actrice.
Face au bad buzz, c'est aujourd'hui Daniel Craig en personne qui, quinze ans après sa première apparition en tant que James Bond (Casino Royale), s'est exprimé sur l'association entre agent 007 et incarnation féminine. "Pourquoi une femme devrait-elle jouer James Bond alors qu'il devrait y avoir un rôle aussi bon que James Bond, mais pour une femme ?", a avancé l'acteur de A couteaux tirés au média Radio Times.
"Il devrait simplement y avoir de meilleurs rôles pour les femmes et les actrices de couleur", a développé Daniel Craig.
En s'exprimant ainsi, l'acteur met le doigt sur une véritable problématique qui ne date pas d'hier : l'inclusion pas toujours évidentes des actrices et personnages féminins au sein d'un genre aussi testostéroné que le cinéma d'action. Genre qui, contrairement au cinéma d'horreur par exemple, ne compte malheureusement pas tant d'héroïnes mythiques que cela.
L'idée d'un "James Bond" au féminin nous renvoie avant tout au stéréotype de la hitwoman. Autrement dit, un personnage d'assassine, la plupart du temps flingueuse et/ou experte en arts martiaux. Bien des noms viennent à l'esprit : Geena Davis dans Au revoir, à jamais, Zoe Saldana dans Colombiana, Jessica Chastain dans Ava, Charlize Theron dans Atomic Blonde... Des personnages principaux badass, certes, mais trop souvent limités aux mêmes codes, dont une sexualisation décomplexée et une image redondante de femme fatale glamour.
Ironiquement, des hitwomen aussi fatales que stylées, on en trouve également dans la saga James Bond, telle la vénéneuse Sophie Marceau dans Le monde ne suffit pas. C'est à l'inverse une certaine exigence d'écriture que semble valoriser Daniel Craig en s'interrogeant : "Pourquoi une femme devrait-elle jouer James Bond alors qu'il devrait y avoir un rôle aussi bon que James Bond, mais pour une femme ?". Une question qui en appelle aussi à la création de personnages originaux, émancipés des licences traditionnelles. Et qui a le mérite de faire cogiter.