Dans quelques mois, Claire Chazal, la reine de l'info du week-end depuis près d'un quart de siècle, aura 59 ans. Est-ce la raison qui a poussé la chaîne à clore la belle histoire entre la cover-girl de Paris Match et son public, a priori plus friand de chair fraîche, en témoignent les bonnes audiences réalisées cet été par Audrey Crespo-Marat, sémillante quadra qui n'en veut ? Possible. En 2008, lorsqu'il quitte avec pertes et fracas la grande Tour au logo tricolore, PPDA a 59 ans. Lui aussi. S'il n'est donc a priori pas question de sexisme, il est en revanche question de jeunisme. Dans une société en perpétuel mouvement, où l'on se lasse aussi rapidement qu'on zappe, le public s'ennuierait-il donc devant la tronche vieillissante de ses prêcheurs de la Grand-Messe comme de celui d'un conjoint qu'on jette plus volontiers aujourd'hui en middle-life qu'à l'âge de l'ORTF ? Pas si sûr. Pour preuve, le règne éternel d'un Drucker fossilisé dans les studios du service public, l'attachement indéfectible de la dite ménagère pour son Foucault planqué sous d'improbables colorations ou son Pernault droit dans ses sabots et a priori ancré pour longtemps dans son Everstyl de la mi-journée malgré ses 65 printemps.
Alors quoi ? Quel est le problème avec Claire ? Et avec cette ancestrale Grand-Messe qu'il semble falloir dépoussiérer pour continuer à justifier son existence à l'heure où les ados foncent sur Youtube plutôt que de se coller devant le prêche, en famille, comme autrefois ? "Les week-ends des Français ne seront plus les mêmes", a tweeté en hommage à la grande dame Laurent Delahousse, son concurrent des dimanche soir, dont on doute qu'il ait récemment eu l'occasion de regarder sa consoeur. Las, ses week-ends à lui seront a priori les mêmes, n'était la concurrence nouvelle d'une Anne-Claire Coudray dont on ne devrait pas tarder à voir la petite famille en Une de Match à l'heure des départs en vacances, comme le fit son aînée vingt-cinq années durant. Car Claire a indéniablement joué le jeu des médias – ou du moins de celui-ci –, du spectacle, et livré même succintement sa vie de femme à ce téléspectateur gavé de transparence. Et si c'était ça, finalement, qui ne collait plus ? Le fils de Claire devenu grand, ses amours trop passées, sa vie people personnelle devenue trop fade pour un public friand de romanesque ?
Car les années passent, et la cible reste encore et toujours la fameuse ménagère qui, pourtant, n'existe plus (rappelons au passage qu'aujourd'hui, 85% des femmes de 25-49 ans travaillent) telle que semble se la représenter l'ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, lequel déclarait sans rire à propos de Claire que "les femmes n'étaient pas perturbées par sa présence dans le foyer".
Passionner la lectrice de presse à scandale sans l'énerver, serait-ce donc le défi des femmes qui comptent à la télé ? La sortie du boss prouve en tout cas que la question du genre, qu'il s'agisse de la cible ou de l'acteur du JT, se pose. Et que "faire joli" lorsqu'on est une femme à la télévision est primordial (citons une nouvelle fois Le Lay concédant au micro d'Europe 1 que Claire Chazal, "comme un certain nombre d'actrices de cinéma, [elle] prenait bien la lumière").
Dans son ouvrage A la télévision, les hommes parlent, les femmes écoutent !*, Arnaud Bihel rapporte l'histoire de Suzanne Lévêque, animatrice québecoise poliment guidée vers la sortie à la soixantaine et finalement réaccueillie après avoir "cédé aux sirènes" de la chirurgie esthétique. "Quand on est une femme, on ne peut pas travailler à la télévision si on a des signes de vieillissement", avait-elle alors accusé. Aux Etats-Unis, Miriam O'Reilly, évincée sans explication après 25 ans d'antenne à la BBC, avait, elle, porté l'affaire devant la justice pour discrimination en raison de son âge et de son sexe. A l'audience, elle avait rapporté les petites remarques : "Il va falloir s'occuper de ces rides avec l'arrivée de la haute-définition", "Ca ne serait pas l'heure du Botox ?"... Un an plus tard, le directeur général de la chaîne admettait qu'il y avait "trop peu de femmes âgées" sur ses antennes (sic).
Comme l'admet Thierry Moreau dans Télé7Jours, "il est [ainsi] plus facile d'avoir des cheveux blancs quand on est un homme à la télévision... C'est plus compliqué quand on est une femme !" Est-ce à dire que les courbes du JT se redresseront tout naturellement en changeant de femme pour une plus jeune, comme le désir d'un quadra en pleine crise persuadé que son insatisfaction n'est le fait que de sa vie conjugale ? Rien n'est moins sûr...