Certaines normes esthétiques sont motivées par une batterie d’injonctions sociétales. Elles sont conditionnées par des représentations héritées de notre histoire collective, ou sont parfois inextricablement liées à notre expérience individuelle. Elles sont contextualisables, culturelles, discutables, parfois jugées cruelles, tyranniques et injustes. Mais elles sont là.
Elles sont là, et peu nombreux sont les individus qui leur résistent. Les souffrances intérieures qui leur sont liées varient en degré, mais touchent chacun d’entre nous. Elles ont des effets directs et immédiats sur la psychologie individuelle et causent des dommages parfois lourds. Il faut alors trouver le moyen de les éliminer. Quelles solutions privilégier ?
>> Chirurgie esthétique : 4 questions à se poser avant de sauter le pas <<
Les philosophes, via l’enseignement d’un art de vivre, permettent de domestiquer certains désirs impossibles, y compris ceux qui concernent la beauté. Les psychologues, via la déconstruction progressive de ce qui a marqué l’inconscient, parviennent exhumer les obsessions. Les artistes transforment leurs douleurs en œuvre d’art.
Elle s’intéresse effectivement directement au corps, elle permet à l’individu de se le réapproprier, d’en devenir co-auteur via une construction qui lui est personnelle et de s’affranchir en même temps de la production morphologique imposée par la société. D’ailleurs, l’individu ne modifie pas forcément son corps pour obéir à un malaise esthétique. La démarche peut être inverse. Il peut, en décidant de changer une partie de son anatomie, vouloir remanier son identité, se réinventer, pour in fine, se correspondre.
La chirurgie esthétique est aussi une affaire d’harmonie, et non pas seulement une histoire de ravalement de façade. Les médias ne cessent à son propos de parler d’embellissement. C’est une approche tronquée, incomplète, qui sous-estime totalement ce qu’elle peut apporter à l’individu.
Les raisons qui motivent une opération doivent être discutées. C’est pourquoi la rencontre entre le chirurgien plasticien et ses patients est nécessaire, afin de poser les bonnes questions, de juger de la pertinence de la demande. Tout bon cabinet de chirurgie esthétique consacre du temps à ce premier entretien. C’est d’ailleurs au soin apporté qui lui est apporté que l’on reconnaît les établissements de qualité.
Sydney Ohana, ancien dirigeant de la Clinique Pétrarque qui a cessé ses activités pour des raisons de santé, s’était exprimé à ce sujet en mai 2011, sur l’émission spéciale de Morandini consacrée au sujet : « Il faut vraiment un vrai besoin, une vraie demande, une vraie souffrance pour que nous en tant que médecins, en conscience, de façon psychologue, on accepte une indication opératoire ».
>> 11 opérations de chirurgie esthétique insolites (et insoupçonnées) <<
Une déontologie stricte que son frère Jacques Ohana, qui poursuit les activités de la clinique, observe lui aussi scrupuleusement, en particulier lors de la première consultation. « En tant que chirurgien, j’ai une responsabilité médicale, et il me faut aussi apprécier le profil psychologique de la patiente. Je dois l’écouter, analyser ses motivations, ses attentes par rapport aux processus et aux résultats de l’intervention. Une fois le dialogue bien établi, un climat détendu s’instaure entre nous et permet de poser mon diagnostic », écrit-il dans son dernier ouvrage, Esthétiquement Vôtre.
Maîtriser les techniques de chirurgie les plus modernes et les plus fiables ne tourne pas la tête des plus grands praticiens dont la compétence se mesure en partie à l’aune du respect de cette règle. Jacques Ohana est notamment connu pour son parcours d’excellence. Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique chirurgicale, diplômé du Collège de Chirurgie Plastique Reconstructrice et Esthétique, il a toujours accordé de l’importance à la cohérence des demandes de ses clients et ne met pas son savoir-faire au service de n’importe quelle requête.
À mesure que les innovations continueront de mettre au point des nouvelles techniques pour reconfigurer notre corps, à mesure que ces métamorphoses se banaliseront sous la pression d’une société qui continue de véhiculer un idéal de beauté difficile à atteindre, les risques de dérives iront croissants. Les professionnels de la chirurgie esthétique et plastique doivent rester vigilants afin de préserver ce qu’elle rend possible : la co-construction d’un corps, la coïncidence d’une identité, le soulagement de certaines souffrances.