Non, le rap n'est pas l'apanage de bonhommes gavés à la créatine et obnubilés par les billets verts. Loin de l'univers bling bling du gangsta rap, deux Indiennes, Pankhuri Awasthi et Uppekha Jain, se réapproprient ce pan de la culture hip-hop le temps d'un morceau destiné à dénoncer les violences faites aux femmes en Inde. Dans une vidéo, postée lundi 16 mars sur YouTube et déjà visionnée plus de 260.000 fois, les deux membres du groupe BomBaebs' et leur #RapAgainstRape (Rap contre le viol) pointent du doigt les deux fléaux qui gangrènent leur pays : féminicide infantile ou encore agressions sexuelles.
"Ce clip ne contient pas de paroles explicites ou punissables, mais juste la réalité pour les femmes en Inde sans détour", peut-on lire dans le message introductif de la séquence d'un peu plus de trois minutes. Une réalité dramatique puisqu'une Indienne serait victime d'un viol toutes les 22 minutes, selon des chiffres gouvernementaux. La classe politique n'est d'ailleurs pas épargnée par Pankhuri Awasthi et Uppekha Jain. "Plutôt que d'interdire les jurons et les sous-vêtements sexy, il faut bannir les criminels du Parlement", assènent-elles face caméra, ou encore "c'est l'heure pour notre société d'être plus civilisée".
La publication de cette vidéo fait suite à une série de faits divers particulièrement sordides en Inde. Dernier en date, la semaine dernière, le viol collectif d'une nonne septuagénaire qui a provoqué la colère de milliers d'Indiens descendus dans les rues du pays le week-end dernier. "Pourtant, si la société manifeste son indignation dans la rue, le gouvernement est bien plus timoré quand il s'agit d'aborder la question publiquement", rappelle Cheek Magazine .
Pour preuve, l'interdiction prononcée contre la diffusion du documentaire de la BBC, India's Daughter (Le fille de L'Inde) le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Celui-ci revenait sur le mouvement de protestation né à la suite du viol collectif et du meurtre, en décembre 2012, de Jyoti Singh dans un bus de New Delhi. Une interdiction justifié par le ministre indien de l'Intérieur en personne, Rajnath Singh, au nom des "troubles à l'ordre public" qu'aurait pu engendrer la diffusion du documentaire.