Les chercheurs du Imperial College de Londres ont fait une découverte pour le moins déroutante : les champignons hallucinogènes pourraient servir de médicament-miracle. Et c'est tout ce qu'il y a de plus sérieux. Ils ont mené une étude dont les résultats ont été rendus publics le 17 mai 2016 et démontreraient l'efficacité hors-norme d'une substance contenue dans les champignons hallucinogènes pour lutter contre les dépressions sévères.
La dépression est l'une des maladies psychiques les plus répandues. Selon une enquête réalisée en 2005 par l'Inpes, 19% des Français de 15 à 75 ans (soit près de 9 millions) de personnes ont vécu ou vivront une dépression au cours de leur vie. Pourtant, si le mal est courant, les remèdes ne sont pas légions.
On peine encore à soigner avec une efficacité certaine la dépression et à empêcher les rechutes, qui selon le dossier consacré à ce sujet par l'Inserm en août 2014, sont "le principal facteur de risque à moyen et à long terme". Des traitements efficaces existent pour les dépressions légères : les antidépresseurs, qui cumulent 67% de réussite. Mais pour les dépressions sévères, le taux de réussite des traitements, comme l'absorption de sérotonine ou la thérapie par électrochocs, chute dramatiquement à 20% sur le long terme. Selon Futura Sciences, un patient sur cinq ne répond pas aux traitements actuels tandis que beaucoup de ceux qui voient leur état s'améliorer dans un premier temps font des rechutes par la suite. C'est forte de cette constatation que l'équipe de chercheurs de l'Imperial College s'est mise en quête d'un nouveau remède contre les dépressions sévères. Et elle a fait des découvertes surprenantes.
Les chercheurs de l'Imperial College ont eu l'idée de donner de la psilocybine pendant sept jours à 12 personnes qui avaient été hospitalisées pour dépressions sévères sans que cela entraîne de rémission. Cette molécule, qui est en fait le composant principal des champignons hallucinogènes, est étudiée depuis 1950 et est connue pour entraîner des effets durables de bien-être psychique et de plénitude.
"C'est la première fois que la psilocybine a été testée dans le traitement potentiel des dépressions majeures", souligne le docteur Robin Carhart-Harris, qui a dirigé cette étude publiée dans la revue britannique The Lancet Psychiatry. Après avoir pris une dose orale de psilocybine chaque jour pendant une semaine, une nette amélioration a été notée chez chacun des patients, dont huit étaient en rémission. Cinq étaient toujours en rémission trois mois après. "Ce qui est vraiment remarquable quand on regarde les résultats des traitements précédents!", s'enthousiasme le chercheur. Le professeur David Nutt, qui a participé à l'étude, souligne que l'hallucinogène "cible les récepteurs de la sérotonine, comme la plupart des antidépresseurs actuellement disponibles, mais qu'il possède une structure chimique très différente et qu'il agit plus rapidement que ceux-ci".
Les Inrocks expliquent que l'étude a pourtant bien failli ne jamais aboutir. En Grande-Bretagne, les champignons hallucinogènes sont classés parmi les drogues illégales, avec la cocaïne et l'héroïne. Il a donc fallu 32 mois à l'équipe pour obtenir l'autorisation de pouvoir utiliser de la psilocybine dans le cadre d'une essai clinique. Mais des chercheurs du Santa Fe Institute avaient déjà démontré que la psilocybine pouvait soulager l'état anxieux voire dépressif de patients en phase terminale en cancérologie, un antécédent qui a joué en faveur des chercheurs anglais.
Glyn Lewis, chercheur spécialisé dans les maladies psychiatriques à l'université de Londres, a encensé la "drogue miracle" : "Ce qui est particulièrement intéressant est que la psilocybine semble faire effet dès la première absorption et avec une simple dose, contrairement à d'autres traitements qui nécessitent une prise quotidienne. Cette étude pose donc la question : Est-il nécessaire et intéressant de poursuivre les autres traitements?". En effet, cette molécule pourrait permettre de mettre fin à des traitements lourds et étourdissants comme les thérapies par électrochocs ou la prise quotidienne d'antidépresseurs. Mais l'essai reste à confirmer : le petit nombre de personnes sur lequel la psilocybine a été testée ne permet aucune certitude. Et il reste aussi à régler les éventuels problèmes d'addiction que les patients pourraient développer...