cinéma
London House : Clémence Poésy en mère fragile dans un thriller élégant
Publié le 22 mars 2017 à 11:41
Par Charlotte Arce | Journaliste
Pour sa première incursion dans l'univers du thriller, Clémence Poésy a choisi "London House" de David Farr, huis-clos angoissant autour de la maternité. Nous l'avons rencontrée pour parler du film et de son statut à part d'actrice à la carrière entre deux rives.
Clémence Poésy dans "London House" de David Farr Clémence Poésy dans "London House" de David Farr© Septième Factory
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Impossible de ne pas voir dans London House les films qui ont inspiré son réalisateur, David Farr. De Rosemary's Baby de Roman Polanski à Fenêtre sur Cour d'Alfred Hitchcock, cet élégant thriller britannique puise ses plus brillantes idées dans ces chefs-d'oeuvres du film noir. Comme celle de faire de Clémence Poésy l'unique témoin de la manigance perverse orchestrée par ses nouveaux voisins.

Dans London House, la comédienne française exilée à Londres interprète Kate, discrète jeune femme et future mère. Avec son mari Justin (Stephen Campbell Moore), ils habitent le première étage d'un très chic immeuble de la capitale britannique.

Lorsqu'ils font la connaissance de leurs nouveaux voisins Theresa (Laura Birn) et Jon (David Morrissey), une amitié singulière naît entre eux. Fascinée par sa nouvelle voisine, enceinte elle aussi, Kate l'observe depuis la fenêtre de son séjour et décide de l'inviter à dîner avec son époux.

Survient alors un drame, terrible, qui fait basculer Kate dans la paranoïa et transforme cette demeure londonienne en dangereux piège pour la future maman.

À la fois fragile et combattive, Clémence Poésy excelle dans le rôle de Kate, future puis jeune mère prête à tout pour protéger son enfant. À l'occasion de son passage à Paris, nous l'avons rencontrée pour parler de son rôle mais aussi de Tunnel, dont le tournage de la 3e et dernière saison va débuter prochainement.

Comment avez-vous été associée au projet London House ?

Clémence Poésy : J'ai suivi un parcours très classique : j'ai lu le scénario, j'ai rencontré David Farr (le réalisateur, ndlr). On a lu une scène ensemble, à la suite de laquelle il m'a proposé le rôle de Kate.

Kate est une jeune femme que la maternité rend fragile et paranoïaque. Qu'est-ce qui vous a plu dans ce rôle ?

Ce que je trouvais intéressant à travailler, c'est que Kate est un personnage qui est beaucoup dans l'observation. Elle aime se laisser traverser parce qui se passe autour d'elle, être dans un coin de la pièce à regarder plutôt qu'être au centre et attirer les regards. En tant qu'actrice, j'ai trouvé que c'était un travail très intéressant.

Clémence Poésy (Kate) © Septième Factory
Vous venez vous-même d'avoir un enfant. Est-ce que le rôle de Kate résonne différemment dans votre vie maintenant que vous êtes mère ?

J'ai un rapport à la maternité complètement différent de celui de Kate, donc je n'ai pas tellement réfléchi à la façon dont le rôle pourrait m'influencer, d'autant que le tournage a eu lieu il y a deux ans. En revanche, je suis contente d'avoir tourné le film avant de tomber enceinte (Rires). Ça m'intéressait de jouer quelqu'un pour qui la maternité n'est pas quelque chose d'inné ou d'évident. Sans doute d'ailleurs parce que son rapport à sa mère est aussi très compliqué. Kate est un personnage fragile mais qui, dès qu'elle devient mère, me semble devenir très déterminé.

London House développe en filigrane le thème de la dépression post-partum, qui reste encore très tabou et peu abordé au cinéma. Est-ce que vous l'avez abordé avec David Farr quand vous avez travaillé le rôle de Kate ?

Oui, forcément, il y avait l'idée qu'il pouvait probablement se passer quelque chose de cet ordre-là. C'est ce qu'il y a toujours de particulier dans les films qui laissent planer un doute ce qui est en train de se passer... (Réfléchit). Pour moi, Kate n'est pas en dépression post-natale ou si elle l'est, elle n'en est pas consciente. Elle perçoit une menace, un danger pour son bébé. Mais il y a évidemment cette idée qui rôde dans les parages. En plus, je pense que c'était une de ses grandes peurs avant d'avoir un enfant car sa mère a dû être comme ça. On en a discuté avec David Farr. Sans doute que Kate n'a pas été beaucoup touchée, beaucoup câlinée quand elle était enfant. Elle n'a sûrement pas tissé de lien avec sa mère. Elle perçoit la maternité comme un état très troublant, se demande si elle va en être capable car elle n'a pas de modèle de mère.

London House de David Farr © Septième Factory
London House est un film très référencé. On pense évidemment à Rosemary's Baby et aux Locataires de Roman Polanski, mais aussi à Fenêtre sur cour d'Hitchcock. Est-ce que vous aviez ces influences en tête sur le tournage ?

À partir du moment où l'on est en huis-clos, on pense forcément à Polanski. David m'avait demandé de regarder Rosemary's Baby avant qu'on commence à travailler. Il nous avait aussi demandé de regarder Persona (d'Ingmar Bergman, ndlr), surtout pour la relation entre deux femmes. Fenêtre sur cour, c'est aussi une référence évidente pour le côté un peu voyeur. Après, je sais que David aime beaucoup Almodóvar. Il avait des références de couleur qui allaient plus de ce côté-là.

Cette influence hitchcockienne, on la retrouve dans la dualité entre les deux couples. Comment avez-vous construit votre rôle par rapport à celui de sa voisine Theresa ?

En fait, on a construit le rôle chacune de notre côté. C'est sûr qu'il y a quelque chose de très similaire entre nous : on joue toutes les deux des étrangères, nous sommes blondes, enceintes... Mais en même temps, Kate est quelqu'un de bien plus effacé que Theresa. Même dans les costumes, on est allé dans quelque chose de très bobo, qui ne fait pas de bruit. Theresa est à l'opposé de ça, c'est une femme qui n'a pas peur d'assumer sa féminité.

Laura Birn (Theresa) © Septième Factory
Y a-t-il des différences entre ce que l'on vous propose en France et ce que l'on vous propose en Angleterre ?

(Réfléchit) Je pense que lorsqu'on n'est pas dans son pays, on a une part de mystère dont on n'est pas forcément responsable. Peut-être qu'il y a un peu de ça dans les rôles qu'on me propose en Angleterre.

L'an dernier, on vous a vu dans Le Grand Jeu de Nicolas Pariser et vous avez évidemment votre rôle d'Élise Wassermann dans Tunnel. Est-ce que le thriller est un genre que vous appréciez ?

C'est un genre que je connais mal à vrai dire. Ce qui m'intéresse, ce sont avant tout les personnages. Dans Tunnel, j'adore surtout l'amitié qui lie Élise Wassermann à Karl, joué par Stephen Dillane. Le côté plus policier n'est pas forcément ce qui me motive le plus. J'essaye avant tout de raconter l'histoire de mon personnage.

Qu'est-ce qui vous plaît dans le fait de jouer Élise ?

C'est un rôle que je suis toujours contente de retrouver. C'est ça le bonheur de tourner dans une série : celui de ne jamais abandonner complètement un personnage. J'adore approfondir la relation qu'elle a avec Karl, découvrir où les scénaristes vont cette fois-ci les emmener. Je serai triste d'en finir avec ce rôle. Mais il vaut mieux être triste d'en finir que de ne plus en pouvoir (rires).

© Septième Factory

London House de David Farr, avec Clémence Poésy, Laura Birn, Stephen Campbell Moore et David Morrissey, en salle le 22 mars 2017.

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