En 1998, juste après l’assassinat du préfet Claude Érignac, elles avaient fait se lever 40 000 Corses pour dire non à la violence. Elles se désignent comme les femmes du « Manifeste pour la vie », un collectif féminin lancé en 1995 pour dénoncer « les meurtres, la loi des armes »,et « l’inertie des représentants locaux », réclamant « l’application de la loi pour tous et dans tous les domaines, l’exercice serein de la justice, et la transparence dans les choix politiques et la gestion des affaires publiques. » Une tribune publiée dans le journal Libération ce matin dit à quel point la situation a empiré en dix-sept ans. Le déchaînement des bandes mafieuses a fait de l’île de Beauté la région la plus criminogène d’Europe.
Le groupe de femmes signataires de cette « Lettre ouverte à François Hollande » s’est senti attaqué par les propos tenus par le ministre de l’Intérieur Manuel Valls la semaine dernière. En réaction à l’assassinat du président de la chambre de commerce d’Ajaccio, Jacques Nacer, le ministre avait appelé la société corse à se mobiliser : « il faut que tout le monde dise ce qu’il se passe ici », avant de marteler, « seul, l'État ne peut rien ». Le collectif de femmes s’indigne contre cet aveu de faiblesse : « Comment peut-il [le ministre de l’Intérieur] stigmatiser la communauté corse en lui demandant de régler par sa parole ce qui doit l’être par la police et la magistrature ? ». La lettre rappelle de fait les multiples occasions que l’État n’a pas saisies pour agir : mission parlementaire en 1995, commissions d’enquête parlementaire en 1998, rapports annuels de justice, etc. Autant de paperasse et de déclarations « restées sans suite ».
« Pourquoi ? », se demandent les femmes signataires de la lettre. Pourquoi la protection des témoins et la création d’un statut de repenti sont restées lettre morte ? Pourquoi les promesses du gouvernement Jospin après la mort de Claude Érignac n’ont pas été suivies d’effets ? Selon les signataires, « le temps n’est plus aux déclarations d’intention. Tout a été dit ». « Il faut agir, enrayer ce sentiment d’impunité qui habite meurtriers et commanditaires ». Les propos de Manuel Valls ce mardi après le 18e meurtre de l’année, celui d’un entrepreneur du bâtiment Victor Ribeiro, ne devraient pas apaiser la colère des femmes corses : « Nous avons besoin que les Corses assument leurs responsabilités et nous avons besoin qu'ensemble nous combattions tous ce fléau parce que la Corse a besoin de cette protection. » Elles en appellent aujourd’hui directement à François Hollande, sur un refrain qu’il connaît bien : « Vous, président de la République, avez le pouvoir d’agir sans attendre, Vous président de la République, ne pouvez plus nous décevoir. »
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