Société
Marlène Schiappa répond aux attaques sur son livre
Publié le 1 juin 2018 à 12:51
Par Catherine Rochon | Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
La sortie du livre de Marlène Schiappa, "Si souvent éloignée de vous", curieux journal intime mêlant récit politique et confessions intimes à ses filles, fait des remous. La secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes s'explique.
Marlène Schiappa répond aux attaques sur son livre
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"Impudique", "gênant". Le livre de Marlène Schiappa, Si souvent éloignée de vous (éditions Stock), qui se présente comme une compilation de lettres adressées à ses deux filles de 11 et 6 ans, a été reçu froidement. Au coeur des critiques, le mélange des genres et les confessions parfois très intimes de la secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Ainsi, l'Obs balance : "On a lu le dernier livre de Marlène Schiappa et il nous a mis bien mal à l'aise". Pointant l'impudeur de certains passages ("Quand le shampoing coule sur mes épaules, mon ventre, mes jambes, j'en ai partout, je me lave les mains avec ce liquide blanc, je patauge dedans") ou des contradictions dans l'engagement féministe de la fondatrice du blog Maman travaille, l'hebdo démonte méthodiquement l'ouvrage.

"Selon Marlène Schiappa, qui écrit à ses filles prépubères : "Il y a peu de phénomènes au monde aussi agréables que voir un homme vous rendre un sourire." "J'aimerais être féministe jusqu'au bout des ongles et vous dire que les garçons, on s'en fiche, mais quelque chose au fond de moi – un reste de mes aïeules romantiques de Corse et d'Italie ou le fait d'avoir trop relu Madame Bovary – m'empêche d'affirmer spontanément que rien ne t'oblige à tomber amoureuse" (d'un homme donc)", relève l'Obs.

Le Monde compare quant à lui certains chapitres à "la presse féminine – que Marlène Schiappa prétend pourtant prendre à contre-pied. 'Les magazines ne savent rien du corps des femmes (...), écrit-elle. Je ne suis pas la plus mince ni la plus jolie, je n'ai jamais acheté de crème raffermissante. De toute ma vie. Ce qui compte, c'est qui vous êtes, vous.'". Et le journal de s'interroger : "Une secrétaire d'Etat devrait-elle écrire ça ? Le public attend-il cela de la part d'une femme politique ?"

Face à ces critiques virulentes, Marlène Schiappa répond.

Votre livre fait l'objet de critiques. Comment les recevez-vous ?

Marlène Schiappa : Quand j'ai commencé à écrire, Serge Michel qui est un Prix Albert Londres, m'a dit : "Un texte, une fois que tu l'écris, ce n'est n'est plus ton texte. C'est ton texte quand tu l'écris, une fois qu'il est sorti, il appartient aux autres et le lecteur met ce qu'il a envie de mettre, ce qu'il a envie de voir dedans." Ce n'est jamais agréable de voir que des messages sont transformés, mais je suis prête à recevoir les critiques, cela fait partie de la liberté de la presse et de la liberté d'interprétation de ce qu'on lit.

Après, il y a des choses qui sont un petit peu de mauvaise foi. Le thème de ce livre, c'est quoi ? C'est des lettres que j'écris à mes filles et derrière, c'est aussi un prétexte littéraire pour parler de mon engagement, de mon action politique. Donc je pense qu'il y a deux bons tiers du livre qui sont consacrés à comment j'ai construit tel ou tel engagement politique, ce qui est un peu passé sous silence dans les commentaires que l'on entend.

On peut vous reprocher ce "je suis féministe, mais...", l'impression que vous ne définissez la construction de la féminité qu'à travers le regard des hommes.

J'ai été élevée principalement par mon père et donc j'explique cette recherche de la construction de qu'est-ce que c'est qu'être une femme, avec des recherches. C'est pas une leçon, c'est pas un essai, c'est pas un cours de féminisme. C'est simplement un partage d'expérience.

J'apprends du coup en lisant ces critiques qu'être hétérosexuelle et bien aimer qu'un homme vous sourit, ça fait de moi quelqu'un qui n'est pas féministe et qui est réactionnaire. Je l'apprends... Mais je pense justement que l'intérêt du livre, c'est ça aussi. Dans ces lettres que j'écris à mes filles, j'essaie d'expliquer en quoi je suis féministe, en quoi on a aussi des contradictions et c'est pour ça que c'est un récit personnel, parfois romancé dans lequel je pose un certain nombre de questions dans lesquelles je pense tout le monde se reconnaît. Je ne donne pas de leçons et je ne me donne pas en exemple, au contraire. J'attends qu'on me présente la première féministe AOC, tamponnée, qui a eu son bon brevet de féminisme et qui est validée par je ne sais quel jury qui délivrerait ces brevets !

C'est un débat qu'on a tout le temps, même avec des gens qui sont très engagés, très féministes : qu'est-ce que c'est être féministe au fond ? Moi je crois qu'être féministe, c'est défendre l'égalité entre les femmes et les hommes. Et après, dans notre vie quotidienne, on s'interroge en disant : "Je veux m'occuper de mes enfants tous les mercredis". Est-ce que c'est féministe ? Et en quoi ça ne serait pas féministe ?

Le passage où vous décrivez votre douche a également fait réagir...

Quand on ne lit pas le livre jusqu'au bout, on ne comprend pas pourquoi je l'ouvre avec une histoire de shampoing. Parce que la clé de ça, elle se trouve à la fin du livre. Je ne suis pas en train de raconter que je prends une douche pour raconter que je prends une douche, je suis en train d'expliquer que quand je ne suis pas avec mes filles, j'utilise leur shampoing pour avoir leur odeur. Et il y a un clin d'oeil à ça qui boucle l'histoire à la fin du livre.

Il y a aussi cette injonction : "Aie des enfants, c'est la plus belle chose au monde".

J'explique à mes filles que pour moi, avoir des enfants, ça a été la plus belle chose du monde, la plus belle chose de ma vie et j'essaie de leur transmettre cette volonté pour plus tard dans le cadre d'un dialogue. Encore une fois, je ne savais pas que le désir d'avoir des enfants était quelque chose qui n'était pas compatible avec le féminisme. Au contraire, c'est quelque chose que j'ai porté depuis 11 ans, depuis que j'ai créé "Maman travaille". Je l'ai créé aussi parce que je ne me reconnaissais pas dans certains discours qui me semblaient parfois trop radicaux d'une manière ou de l'autre, avec des visions qui n'étaient pas en correspondance avec la réalité. La réalité, c'est qu'il y a des femmes qui ont envie d'avoir des enfants et qui sont féministes !

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