Le débat n’est pas nouveau. Et depuis le rapport rendu par Chantal Jouanno en mars 2012 sur l’hypersexualisation des jeunes filles, les organisateurs de concours de beauté pour les enfants s’attendaient à une telle décision. Mercredi, le Sénat a adopté un amendement de la centriste visant à l’interdiction pure et simple de ces évènements et punissant de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende leur organisation. Une décision que regrette forcément Michel Le Parmentier, président du concours Mini-Miss : « On aurait préféré une réglementation, avec seule la robe de princesse autorisée, comme ce que nous faisons actuellement », se défend-il sur Terrafemina. Il admet pourtant comprendre « que l’on veuille protéger les Français des dérives américaines ». Un modèle où les talons hauts, le maquillage, les prothèses de seins et même les cigarettes sont acceptées pour jouer les grandes. « C’est vrai qu’il y a eu certaines dérives y compris en France et je trouve ça abominable évidemment, c’est à vomir ! » Mais, assure-t-il, dans son concours, seules les robes de princesses sont autorisées : « L’idée est simplement de jouer à la grande ou à la princesse ! »
Mais pour Béatrice Copper-Royer spécialiste de l’enfance et de l’adolescence, contactée par Terrafemina, le concours, même réglementé, n’est pas sans conséquence sur les enfants : « On les mets dans une position très narcissique, dans un système de comparaison, dans lequel ils ont plus de chance de perdre que de gagner. » Il ne s’agit donc plus là d’un jeu, mais bien souvent « d’une projection d’adulte qui les dépassent ». Et selon la spécialiste même sans maquillage et talons hauts « le rapport au corps est surinvesti » : « C’est d’autant plus dangereux que ces enfants ne sont même pas pubères. Leur image va changer surtout pendant l’adolescence et ils risquent de mal supporter cette transformation : leur moi idéal n’existera plus. » Et les conséquences de ces changements peuvent être lourdes, d’après Béatrice Copper-Royer : « Cela peut les rendre anxieux, bien sûr. Et puis, un jour, soient ils reprocheront à leurs parents de les avoir utilisé comme objet, soit ils deviendront des êtres narcissiques, obsédés par leur image et oubliant le reste : l’intellect, la personnalité… » Une personnalité qui, souligne la spécialiste, sera de plus marquée que la normale par « la reproduction de stéréotypes sexistes ».
Un point de vue en accord avec l’amendement voté par le Sénat, salué par plusieurs médias étrangers ainsi que par Geneviève de Fontenay, l’ex-présidente du Comité miss France et actuelle présidente d'honneur du Comité miss prestige national : « Il était temps que ça bouge ! On ne fait pas de concours avec des petites filles : c’est pervers et traumatisant », a-t-elle réagi sur Terrafemina avant de regretter la tranche d’âge choisie, estimant qu’« on n’est plus une mini-miss à 16 ans ! »
L’exemple français semble en tous les cas être en passe d’être suivi. Jean-Marc Nollet, le ministre de la Fédération Wallonie-Bruxelles en charge de l'Enfance, a en effet fait savoir jeudi qu'il envisageait aussi une interdiction des concours de mini-miss. Une décision qui permettrait ainsi par ailleurs d’éviter l’organisation de concours à la frontière belge, car comme l’avait souligné Michel Le Parmentier : « Ça n’empêchera pas ceux qui veulent de le faire, ils iront simplement un peu plus loin. Pour notre part, si la loi est vraiment adoptée, nous ne garderons que notre concours mini-star : les petites filles se présenteront ainsi pour un concours de danse ou de magie. Elles ne seront alors plus jugées sur leur apparence mais sur leur talent… » Mais si, en effet, dans cette situation le jugement ne surinvesti plus le rapport au corps, le système de comparaison et de compétition est, lui, toujours en place…
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