Apporter aux femmes nigériennes un meilleur suivi gynécologique et obstétrique en convaincant leurs époux du rôle fondamental joué par les centres de santé. Tel est le pari des écoles des maris qui, depuis 2007, fleurissent dans la région de Zinder, au Niger. Dans ce pays d'Afrique de l'Ouest, qui possède le taux de fécondité le plus élevé au monde, une femme meurt toutes les deux heures en donnant la vie. Le manque ou l'absence de suivi médical pendant la grossesse, ainsi que les accouchements pratiqués à domicile par des matrones maintiennent le taux de mortalité maternelle parmi les plus élevés au monde.
C'est pour inciter les femmes à fréquenter davantage les centres de santé, que le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA) a créé à titre expérimental en 2007 les écoles des maris. Car bien souvent, ce sont les Nigériens qui refusent à leur épouse de consulter un médecin. « Dans notre société patriarcale, l'homme a le pouvoir de décision dans la famille, explique à L'Humanité Issa Sadou, chargé de mission à l'UNFPA. L'école des maris équilibre les rôles et les responsabilités entre les sexes dans le domaine de la santé. Il faut que les hommes changent de comportement sur ce plan, en commençant par permettre à leurs femmes d'aller aux centres de santé pour la planification familiale et les consultations pré et post-natalité. Tout repose sur les femmes, elles qui n'ont aucun pouvoir. »
Tous les deux mois environ, une douzaine de maris nigériens se réunit pour discuter des rapports entre les sexes, de contraception, et du rôle des centres de santé dans la maîtrise de la fécondité. Un véritable « espace de réflexion » qui, avec l'aide de l'ONG locale Songes, s'affranchit progressivement des « normes sociales inculquées durant des millénaires ». Les maris de l'école, sélectionnés pour leur vision progressiste des rapports hommes-femmes, ont ensuite pour mission de sensibiliser les autres hommes de la communauté sur les «?risques de laisser leurs femmes enceintes entre les mains des matrones et non entre celles des agents de santé?». « Toute idée de changement est difficilement admise, surtout s'agissant de la maîtrise de la croissance démographique, explique le directeur régional de la population Moussa Adamou. Il faut un travail de longue haleine, minutieux. »
Pourtant, l'influence positive des écoles des maris sont bien visibles au Niger. Dans la région de Zinder, où ont été ouvertes les premières écoles il y a sept ans, le taux de couverture de la planification est passé de 21% en 2007 à 69% en 2012. Le taux des accouchements assistés a lui doublé en sept ans, passant de 26% à 51%.
Des résultats encourageants qui ont incité l'UNFPA et les ONG locales à étendre le concept aux autres régions du pays. Alors que seules onze écoles des maris avaient ouvert leurs portes en 2007 au Niger, le pays en compte aujourd'hui 610, dont 210 dans la région de Zinder. «?En dialoguant entre eux, les hommes changent de regard. Les femmes évoluent aussi. Et maintenant c'est toute la société qui est en train de changer?», constate Monique Clesca, responsable de l'UNFPA au Niger. Une véritable « fierté » pour le Niger, qui a depuis exporté les écoles des maris vers d'autres pays africains : la Côte d'Ivoire, le Burkina Faso, le Sénégal, la Sierra Leone, la Gambie et la Guinée disposent désormais aussi d'écoles des maris.