Société
Pouquoi les "métiers de femmes" peuvent sauver les hommes du chômage
Publié le 11 janvier 2017 à 18:08
Par Charlotte Arce | Journaliste
Selon une enquête menée par le "New York Times", les métiers traditionnellement exercés par des femmes n'intéressent pas les hommes. Ils sont pourtant en plein développement et constitueraient une solution à la pénurie d'emplois qui touche actuellement l'industrie américaine. Encore faudrait-il dépasser les stéréotypes de genre qui collent à la peau de certaines professions.
Comment les "métiers de femmes" pourraient sauver les hommes du chômage Comment les "métiers de femmes" pourraient sauver les hommes du chômage© Getty Images
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Et si la solution au problème de la disparition des postes dans l'industrie était la mixité des métiers ? C'est ce qu'avance le New York Times dans une vaste enquête publiée le 4 janvier dernier. Dynamiques et en pleine expansion malgré une économie moribonde, les métiers traditionnellement exercés par les femmes pourraient être, selon le quotidien américain, la planche de salut d'hommes travaillant dans l'industrie ou le secteur primaire, et dont les postes ont été remplacés par des machines. Selon une étude menée par le Bureau of Labor Statistics, deux professions, occupées dans leur très grande majorité majoritairement par des hommes, sont amenées à disparaître d'ici à 2024 : la profession de cheminot (96% d'hommes) qui verra ses effectifs diminuer de 70% et les mécaniciens de véhicules électroniques (98% d'hommes) dont 50% des postes seront remplacés par des robots.

Les "professions féminines" sont trop dévaluées

Aide-soignant, infirmier, sage-femme... Autant de professions dans le secteur du Care et dans lesquelles les hommes ayant perdu leur emploi du fait de l'autonomisation progressive de l'industrie pourraient se reconvertir. Pourtant, encore aujourd'hui, ces postes restent majoritairement occupés par des femmes. La raison ? Selon le New York Times, les "blue collar jobs" (les cols bleus) rechignent à exercer un "métier de femmes" ("pink collar job").

Alors que les femmes sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers des métiers traditionnellement exercés par des hommes, ces derniers sont plus frileux à l'idée de travailler dans un secteur féminin, comme celui des auxiliaires de santé (90% de femmes). La raison est simple : ces postes ne sont pas assez valorisés, tant dans l'inconscient collectif que dans leur rémunération.

C'est ce que constate une étude consacrée aux prestations de soins et citée par le New York Times. D'après elle, les métiers du Care sont considérés comme de statut inférieur. D'où la réticence des hommes à les exercer. Attachés aux valeurs qui participent à la "culture de la masculinité" (la force physique, le courage, la résistance...), ils ne veulent pas se reconvertir dans les pink collar jobs, et notamment dans le domaine des soins, où l'on promeut l'empathie, le respect, l'attention, la sollicitude. Des valeurs généralement attribuées aux femmes.

Le New York Times donne ainsi la parole à Tracy Dawson, ancien soudeur du Montana qui se retrouve au chômage à 53 ans après que ses employeurs ont délocalisé son activité en Chine et au Mexique ou a été remplacée par une machine. "Je ne veux pas être infirmier, je n'ai pas de patience pour les gens, explique-t-il. Je ne veux pas que ça sonne mal, mais j'ai toujours vu des infirmières femmes et dans d'autres métiers de soins. Je vois ça comme un métier de femme."

Des professions moins bien rémunérées mais plus sûres

L'autre élément qui décourage les hommes à se tourner vers les métiers du Care, c'est leurs bas salaires : en moyenne 10,50 dollars de l'heure. Tracy Dawson, lui, gagnait 18 dollars de l'heure lorsqu'il réparait des moteurs de traction ferroviaire.

Pourtant, ces écarts de salaires dans les métiers de soins à la personne pénalisent surtout les femmes. C'est ce qu'a démontré dans une étude Janette Dill, sociologue à l'Université d'Akron. Elle s'est aperçue que les hommes exerçant un métier peu qualifié comme infirmier auxiliaire gagnaient en moyenne 10% de moins que les hommes travaillant dans les emplois de cols bleus. Mais ils étaient moins susceptibles d'être licenciéés. Leurs salaires ont aussi progressivement augmenté quand ceux des cols bleus ont stagné. "Nous avons un retard culturel du fait que nos points de vue sur la masculinité n'ont pas su s'adapter aux mutations du marché du travail", explique le sociologue Andrew Cherlin. Ce qu'il faut désormais, c'est faire évoluer les mentalités en incitant les hommes à se tourner vers des métiers considérés comme moins "virils". Et surtout leur faire prendre conscience qu'exercer un métier généralement réservé aux femmes n'est ni honteux, ni dégradant socialement.

Une tâche bien difficile à réaliser, estime Joan Williams, professeure de droits et auteure de Redessiner le débat travail-famille : pourquoi il les hommes et la classe moyenne doivent compter. "Dire aux hommes de la classe ouvrière de prendre des emplois féminins nourrit leurs angoisses. Les salaires des hommes blancs de la classe ouvrière ont chuté", ce qui les fait craindre de ne pas être de "vrais hommes". C'est notamment en jouant sur cette peur et en leur promettant de leur rendre leur travail à l'usine que Donald Trump a remporté l'élection présidentielle américaine, analyse-t-elle.

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