Curieux trio que celui qui arrive en tête des femmes politiques préférées des Français. Dans une enquête Ifop réalisée pour le Journal du Dimanche le 8 mars dernier, Christine Lagarde , Marine Le Pen et Ségolène Royal se partageaient le podium des responsables politiques les plus appréciées.
A la question "Quelles sont les quatre femmes dont vous souhaiteriez qu'elles jouent un rôle plus important à l'avenir, dans la politique française ?", la directrice générale du FMI (30%) arrive devant Marine Le Pen (26%), puis Ségolène Royal (25%). Au pied du podium, Martine Aubry et Najat Vallaud-Belkacem totalisent chacune 21%, tandis que Rama Yade , Nathalie Kosciusko-Morizet (19%), Anne Hidalgo et Marion Maréchal-Le Pen (18%) ferment la marche.
Mais si la chef de file du Front national se contente de la deuxième place sur la totalité des personnes interrogées, le sondage de l'Ifop nous révèle que sa popularité est encore supérieure dans l'échantillon le plus jeune du panel. Ainsi apprend-on que la députée européenne est la femme politique préférée des 18-24 ans, devant Najat Vallaud-Belkacem et Ségolène Royal.
Une nouveauté ? Pas vraiment. Déjà en 2013, date de la dernière enquête réalisée par l'ifop pour le compte du JDD , Marine Le Pen était la femme politique la plus en vue chez cette tranche d'âge. Une tendance d'ailleurs observée depuis plusieurs années dans les enquêtes des différents instituts de sondage, au point que celle qui avait rassemblé 18% des électeurs âgés de 18-24 ans lors du premier tour de l'élection présidentielle de 2012, est désormais désignée comme la responsable politique qui enregistre la plus forte progression auprès de cette catégorie de la population.
Est-il loin le temps où la jeunesse criaient sa haine de l'extrême droite ? En 2002, elle était pourtant descendue en masse dans les rues de France pour exprimer sa colère de voir Jean-Marie Le Pen et le FN accéder au second tour de l'élection présidentielle. 13 ans et deux présidents plus tard, la donne semble avoir bien changer. Première catégorie sociale touchée par ce phénomène : les enfants d'ouvriers chez qui la patronne du FN recueille de façon générale un tiers des électeurs, faisait remarquer Frédéric Dabi de l'Ifop en décembre 2011.
"Ces jeunes les moins diplômés sont séduits par le côté antisystème et de dénonciation des élites" de Marine Le Pen, expliquait l'année suivante le chercheur Sylvain Crépon au Monde. Tout un pan de la jeunesse, précarisée, ne se reconnaitrait plus dans l'axe droite-gauche. Pour le sociologue, la diabolisation du parti d'extrême droite a ses limites. "Toutes les enquêtes montrent que la stigmatisation n'est plus aussi efficace qu'auparavant", constatait-il mercredi 4 mars dans le Figaro. Et le chercheur de confier avoir d'ailleurs observé "durant ses cours à l'université, que certains étudiants affichent désormais ouvertement leur appartenance au FN 'sans que cela mène au clash'".
Le FN et les jeunes, un phénomène qu'on "redécouvre à chaque élection depuis qu'il existe une extrême droite en France", résumait le politologue Roland Cayrol en mars 2012. Ils étaient ainsi 16% à avoir choisi le vote FN le soir du premier tour en 1988, 17% en 1995, et 16% en 2002.
Et le succès de Marine Le Pen chez les jeunes ne se perçoit pas seulement dans les sondages et les élections, mais également à la télévision. Si audience télé et intentions de vote ne doivent pas être confondus, une étude du cabinet NPA en partenariat avec l'institut CSA, soulignait pourtant en 2012 que dans les principales émissions politiques où elle avait été invitée depuis septembre 2011, la leader frontiste avait obtenu des audiences supérieures chez les 18-35 ans.
Le Front national bénéficiera-t-il de cette affection des jeunes pour "Marine" aux élections départementales qui se tiendront les 22 et 29 mars prochain ? Rien n'est moins sûr. Car si la députée européenne s'attache depuis des mois à cultiver son image, on ne peut pas en dire autant de certains candidats du parti d'extrême droite. Dans son numéro du jeudi 12 mars, L'Obs publie une longue enquête sous le titre"Racisme, antisémitisme, homophobie : le vrai visage des candidats FN". Grand favori des sondages, le Front national essuie ainsi quelques dérapages en présentant des candidats peu présentables. La popularité n'est pas contagieuse. La jeunesse qui décidera d'aller voter pourrait bien le démontrer.