Présidentielle 2012 : principes et enjeux du parrainage politique
Publié le 7 décembre 2011 à 09:00
Par Marion Roucheux
Réunir 500 signatures : tel est l'objectif actuel de tous les candidats à l'élection présidentielle qui veulent accéder au premier tour. Mais quel est réellement le fonctionnement de ces parrainages politiques ? Quels sont les enjeux pour les élus qui apportent leur soutien aux candidats ? Le point avec Luc Rouban, Directeur de recherches au CNRS (Cevipof et Sciences Po).
Présidentielle 2012 : principes et enjeux du parrainage politique Présidentielle 2012 : principes et enjeux du parrainage politique© iStockphoto
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Terrafemina : Quel est le principe du système de parrainage ?

Luc Rouban : L’idée de base du système de parrainage est d’instaurer un filtre pour éviter les candidatures fantaisistes ou dangereuses pour la République. Les maires, les conseillers régionaux, les conseillers généraux, les députés, les sénateurs ou encore les élus français au parlement européen sont ainsi habilités à donner leur signature à un candidat à l’élection présidentielle. En pratique ce sont dans 80% des cas les maires qui jouent ce rôle auprès des candidats. Un élu ne peut donner une signature qu’à une personne, même s’il cumule plusieurs mandats. Quant au candidat, il doit depuis 1976 récolter 500 parrainages, contre une centaine auparavant. La liste des signatures est ensuite déposée au Conseil Constitutionnel qui la valide, puis elle est publiée au Journal Officiel huit jours avant le premier tour de l’élection présidentielle.

TF : Le parrain qui donne sa signature au candidat à l’élection présidentielle s’engage-t-il à le soutenir politiquement ? Quels sont les enjeux d’une telle signature pour un élu ?

L.R. : Parler de  « parrainage » peut induire en erreur. Si les élus sont habilités à présenter une candidature à titre personnel et individuel, cela ne signifie pas pour autant qu’ils engagent une quelconque responsabilité vis-à-vis du candidat auquel ils donnent leur signature. C’est pourquoi l’on devrait plutôt parler de « présentation » que de « parrainage ». Le Conseil Constitutionnel a toujours considéré qu’il ne fallait pas mettre en place de dispositif pour recueillir les signatures, laissant aux candidats le soin de se charger de la récolte des soutiens. Dès lors, la démarche des élus est souvent motivée par la moralité républicaine, afin de permettre aux candidats de se présenter. Mais un élu peut de la même façon bloquer certaines candidatures indésirables. C’est ce dernier point qui soulève des critiques, car cette sélection s’inscrit dans l’idée d’un filtre élitaire : nous ne sommes alors plus dans une démocratie fluide, alors que le président de la République sera par la suite élu au suffrage universel direct. Cette question est d’ailleurs régulièrement pointée du doigt par le Front National, qui dénonce des dérives et des pressions. Il faut dire qu’un élu qui apporte son parrainage à un candidat d’extrême droite risque de se voir taxé de soutien politique à ce parti et peut le payer cher aux élections locales qui suivent.

TF : Existe-t-il également des logiques partisanes qui influent sur les décisions des élus quant à leur parrainage ?

L.R. : Il existe en effet des tensions et pressions internes aux partis. Prenons l’exemple d’Hervé Morin, qui s’est déclaré candidat à la présidentielle de 2012 : cela serait à mon avis étonnant qu’il récolte le nombre de signatures suffisantes auprès des élus UMP, qui ce faisant soustrairaient des voix précieuses à Nicolas Sarkozy au premier tour. Si les députés UMP l’appuient, ils risquent tout bonnement de voir leur investiture aux prochaines élections législatives ne pas être renouvelée. Cette année en particulier, la bataille présidentielle promet d’être très dure et le premier tour constitue un enjeu crucial pour les trois candidats qui ont la possibilité d’atteindre le second tour : Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen. Les places sont chères et  l’enjeu des signatures devient donc capital.

TF : Marine Le Pen a soulevé encore une fois la question de l’anonymat de ces parrainages. Quid de cette solution ? Est-elle applicable ?

L.R. : Ce n’est pas pour rien que l'on sous-estime le vote pour le Front National dans les sondages : il subsiste une gêne chez les électeurs de l’extrême droite qui n’assument pas leur vote. Il en va de même pour les signatures des élus : ils sont souvent embarrassés à l’idée d’apporter leur soutien au candidat d’extrême droite. Il est vrai que l’anonymat pourrait apporter une réponse à ce problème particulier. Mais cela poserait alors d’autres questions. Les représentants sont élus sur un programme, sur un engagement politique et ils doivent rendre des comptes aux citoyens. En rendant leur vote anonyme, cela place le système sous le sceau du secret et rend le tout opaque. Vu sous cet angle, rendre les listes anonymes serait mauvais pour la démocratie locale et pourrait soulever des soupçons dans un climat actuel de méfiance vis-à-vis du politique.

TF : Au-delà de l’anonymat, y-a-t-il d’autres alternatives envisageables ?

L.R. : Pour pallier les contradictions du système, on a vu de nombreuses propositions émerger. Ainsi en 2007 le comité de réflexion sur la modernité des institutions, mené par Edouard Balladur, proposait d’élargir le collège des élus habilités à soutenir une candidature à 100 000, contre les environ 45 000 actuels. Une autre alternative souvent mise en avant est celle des signatures citoyennes : pourquoi ne pas demander ces signatures de parrainage directement aux citoyens ? Avec les outils numériques aujourd’hui, il serait aisé d’organiser la collecte de signatures, avec par exemple une base de 100 000 soutiens pour valider une candidature. Il y a en tout cas là un vrai débat.


Luc Rouban

Crédit photo : iStockphoto

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