Céline Tran a eu plusieurs vies. Actrice porno renommée dans les années 2000 - s'il ne fallait citer qu'un nom à l'époque, c'était le sien : Katsuni -, elle s'est depuis reconvertie dans l'écriture - avec Ne dis pas que tu aimes ça (éd. Fayard) - et le coaching. Celui qui touche au bien-être et à la sexualité, plus précisément. Elle nous explique qu'elle souhaite ainsi "utiliser [ses] compétences pour proposer un accompagnement aux travailleurs·euses du sexe, en particulier dans leur démarche de reconversion". Une collaboration avec le STRASS (le Syndicat du travail sexuel) sera d'ailleurs mise en place dès septembre prochain.
Mais ce n'est pas tout. Céline Tran est aussi directrice de la collection BD Porn' Pop aux éditions Glénat, 1ère dan de taekwendo (l'équivalent de la ceinture noire), certifiée en yoga Ashtanga et praticienne en hypnose eriksonienne. De quoi épater la galerie - et nous, tout particulièrement. Avec un CV comme le sien, on ne pensait pas qu'il serait si simple d'entrer en contact avec elle. Et pourtant, elle s'est rapidement prise au jeu, alliant analyses pointues sur l'émancipation par le sexe et confessions plus intimes, dont celle d'un péché mignon assumé pour la raclette, qui n'a pas manqué de nous faire sourire.
Un échange passionnant et un parcours qui prouve à celles et ceux qui doutaient de ses capacités à rebondir, qui lui disaient qu'elle "ne pourrait jamais rien faire d'autre" après sa carrière dans le X, qu'elles et ils se sont planté·es en beauté.
Je dirais que tout peut devenir une forme d'empowerment. Car c'est le sens que l'on donne aux choses et notre manière de les utiliser qui les investissent d'un pouvoir. Si le sexe est une chose naturelle et universelle, la sexualité humaine est bien plus qu'un simple processus de reproduction. Elle est enrichie d'une libido, de fantasmes, de tout un imaginaire, de dimensions cérébrale et émotionnelle qui participent à notre identité, et par conséquent, à notre rapport au monde, à notre place dans la société.
Mais le fait que le sexe puisse être une forme d'empowerment, est à mon sens le symptôme d'un déséquilibre. Car s'il peut comporter des jeux de pouvoirs, de séduction, ceux-ci ne devraient rester que des jeux, et non être instrumentalisés à des fins de domination, que ce soit sur le plan social, politique ou économique. Si le sexe peut participer à la conquête d'une autonomie, alors il faudrait s'en détacher une fois que celle-ci est gagnée. Car la réelle autonomie est justement de répondre à ses besoins sans la nécessité de se développer dans des rapports de force.
Pour ma part, le fait d'avoir été travailleuse du sexe a clairement contribué à mon émancipation personnelle, à transgresser des normes de la société que je n'approuvais pas et par la suite, à me faire entendre grâce à la notoriété gagnée. Or, faire fantasmer, c'est aussi disposer d'un grand pouvoir. Mais mon intention était alors portée par la conquête de mon propre corps, mon plaisir, ma liberté. Une quête personnelle non militante qui m'a menée à quitter l'industrie du X. Initialement outil d'empowerment, celle-ci est ensuite devenue le nouveau système dont je devais m'affranchir !
Auourd'hui, je choisis de privilégier une vision du sexe comme un élément fondamental du développement personnel, car il parle de notre rapport au corps, notre "estime de soi", notre besoin de contact avec les autres. C'est sous cet angle que je l'aborde dans mes séances de coaching en sexualité.
Chaque centimètre carré de votre propre corps... et de celui que vous goûtez !
C'est drôle, car j'ai beau avoir tourné des scènes X dans des endroits assez atypiques, ce n'est pas ça qui me vient spontanément à l'esprit. Probablement parce que je m'en fous en fait. Alors oui, faire l'amour en pleine nature ou dans un lieu public avec la crainte de se faire surprendre, c'est stimulant.
Mais au bout du compte, ce qui importe est avec qui vous le faites, et comment. Quand on est avec la bonne personne, peu importe le lieu. C'est l'alchimie qui rend l'expérience dingue, presque mystique.
Un regard vaut tous les mots.
Je suis une cancre en porno féministe ! Ça ne m'intéresse pas. Et j'ai toujours préféré vivre le porno plutôt que de le regarder. La force de l'érotisme est avant tout d'exciter notre imaginaire, de nous inviter à aiguiser nos sens. Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears fait partie de mes favoris. Mais mon coeur appartient au Dracula de Coppola : pour moi, une vraie révélation, une initiation à la transgression, un récit d'une poésie folle, des tableaux d'une beauté intense et délicate. Du pur romantisme noir. Il me laisse toujours rêveuse...
De savoir qui je suis, tout en sachant perdre la tête.
Je rêve d'une raclette avec Schwarzenegger, Stallone, Peter Jackson, Guillermo Del Toro, Thomas Pesquet et le Dalaï Lama. Rien de sexuel. Mais quel pied !
Moi ? Une étiquette ! Dans tous les cas, une étiquette n'est-elle pas destinée à être découpée ?
Tout acte vécu dans la contrainte est une forme de soumission. Ainsi, la levrette, une fellation à genou, ou le simple fait de se prendre la main, peuvent tout aussi bien être perçus respectivement comme une forme de soumission, de domination, un geste politique, d'amour, et/ou un très beau moment de partage. Ce n'est pas la pratique en elle-même, mais l'intention des personnes qui la vivent qui importe.
Déconcertant !