Tara Heuzé-Sarmini n'a pas encore entamé son quart de siècle mais a déjà contribué à laisser son empreinte dans le monde associatif. À 24 ans, cette Parisienne ne chôme pas : employée à plein temps en tant que "Growth Operations Manager" chez Uber, elle préside Règles Élémentaires, première association française de collecte de produits d'hygiène intime à destination des femmes sans-abri et mal-logées qu'elle a fondée en 2015.
Grâce aux boîtes à dons et aux points de collecte, tout le monde peut participer aux collectes de protections hygiéniques. Les produits récupérés par Règles Élémentaires sont ensuite distribués aux femmes sans abri et en situation précaire par des organismes comme le Samu Social ou la Croix Rouge.
Quand elle n'est pas au bureau, cette entrepreneuse passionnée diplômée de Science-Po et de Columbia partage son temps entre Les Grands-Voisins- espace alternatif dans le 14e arrondissement qui abrite désormais les locaux de Règles Élémentaires- ses voyages et un atelier de sculpture qu'elle partage avec d'autres artistes. Elle a tout de même trouvé le temps de nous raconter son parcours, de partager sa vision de la société et de nous livrer ses astuces pour concilier vie pro et vie perso.
Tara Heuzé-S : En 2014, j'étudiais à l'université de Cambridge, au Royaume-Uni. Là-bas, j'ai été approchée par une association qui réalisait des collectes de protections hygiéniques pour les femmes. Je me suis tout de suite demandé si ce genre d'initiative existait en France. Quand j'ai réalisé que ce n'était pas le cas, j'ai décidé d'agir et quelques temps après, de fonder Règles Élémentaires.
T.H : Comme souvent, la logistique, surtout au début. Nous n'avions pas assez de bénévoles, même pas de compte en banque, ni de bureaux ! Tout s'est décanté petit à petit, mais je dirais que le plus dur au départ a été de s'organiser et de gérer les nombreux allers et venus, tout en bénéficiant de très peu de moyens humains et financiers.
Le travail, la volonté, la passion. Mais également un bon concours de circonstances. Il se trouve que nous avons lancé notre activité au moment du second examen à l'Assemblée de la loi sur la-dite "taxe tampon" qui a finalement été abrogée (la TVA est passée à 5,5% le taux des produits dits de première nécessité). Cela a contribué à la prise de conscience collective du coût des règles et de la difficulté des femmes à se procurer des produits d'hygiène intime. Ce que nous proposions a donc particulièrement résonné/fait écho dans les esprits.
T.H : Retenir l'adage qui affirme que "quand on veut, on peut'. Ce que je dis est sans doute très banal, mais c'est tellement plus facile de susciter l'adhésion autour de soi quand on est convaincu par son projet !
T.H : Je pense que la chose la plus importante est de ne pas s'éparpiller. Quand on se lance dans un projet, le champ des possibilités paraît infini et les idées fusent. C'est galvanisant, mais ça peut aussi devenir frustrant car on se rend vite compte qu'on ne pourra pas toutes les réaliser, ou du moins pas aussi bien qu'on le voudrait. Donc, j'essaie tant bien que mal de me concentrer sur un objectif à la fois. Ce qui, bien sûr, n'empêche pas de se développer par la suite.
T.H : Que l'association n'ait plus de raison d'être. Car tant que mon asso sera là, cela signifiera qu'il y aura encore des femmes dans le besoin. Dans un monde idéal, nos actions se limiteraient à de la sensibilisation.
Ce qui se passe en Écosse est une très bonne chose, je ne dirais pas le contraire. Après, j'attends de voir ce qui sera réellement proposé à ces femmes. Le plus important est qu'elles se sentent confortables et qu'elles portent les protections qui leur conviennent le mieux. Serviette, tampon...il faut qu'elles aient le choix. Il faut également faire attention aux appels d'offres et à l'attribution de ces marchés. En effet, fournir des tampons gratuitement c'est bien, fournir des tampons sans roundup, c'est mieux !
Du coup, ce serait bien d'avoir de telles initiatives en France - la LMDE commence d'ailleurs à rembourser une partie des coûts aux étudiantes - mais il faut faire attention à la manière dont c'est fait. Nous avons fait du chemin, mais nous revenons de très loin. Les autorités publiques ont longtemps occulté le sujet des règles, qui reste tabou dans plusieurs domaines.
T.H : Une trousse, comme à l'école. Avec des crayons, des stylos, de la colle, des ciseaux. On n'y pense pas assez, mais ça sert toujours !
T.H : "Penser globalement, agir localement".
T.H : L'envie d'entreprendre, de développer de nouveaux projets. Et plus généralement, de croquer la vie à pleines dents.
T.H : Dormir. On a quand même les idées bien plus claires après une bonne nuit de sommeil ! Et bien sûr, le soutien de mes proches et mes loisirs.
T.H : Je m'aére l'esprit. Je voyage beaucoup. Je sculpte aussi.
T.H : D'être passionné.e par ce que vous faites. Cela vous motive tellement que vous ressentez moins le besoin de séparer à tout prix vie pro et vie perso, du moins à part égale. Après, bien sûr, c'est important de s'imposer des limites. Par exemple, je ne consulte jamais mes mails professionnels en dehors du bureau.
Propos recueillis par Léa Drouelle