Les menstruations sont la période que les femmes réfugiées redoutent le plus. Moins pour la douleur, qu'en raison du manque de protections féminines lors de leur exil et dans les camps humanitaires où elles sont installées. Selon le dernier rapport statistique du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), publié en juin dernier, 65,6 millions de personnes étaient déplacées dans le monde fin 2016, suite à des persécutions ou des conflits armés. Soit la population d'un pays comme la France.
Dans la majorité des cas, ces derniers partent munis du minimum : "On voyage avec un minuscule sac, souvent vide, car on nous demande d'être le plus léger possible sur les embarcations", expliquait une réfugiée installée en Egypte, à Reuters en mars dernier et citée par Slate. Peu de place donc pour les produits de première nécessité comme les protections périodiques.
La guerre en Syrie, qui dure maintenant depuis sept ans, est à l'origine du plus grand nombre de réfugiés dans le monde (5,5 millions), après la Seconde guerre mondiale. Dans certaines villes comme Alep ou Saqba, près de Damas, les Syriennes sont obligées d'utiliser des chiffons lorsqu'elles ont leurs règles. Houda confiait en mai dernier à l'AFP, avoir utilisé de "vieux vêtements" en guise de protection. "Mais j'ai commencé à avoir des infections, alors j'ai décidé d'acheter quelques serviettes hygiéniques seulement et de n'en utiliser qu'une par jour pour ne pas les épuiser trop vite".
Mais la réutilisation de ces produits a entraîné le développement de mycoses, d'infections vaginales et urinaires, ainsi que des problèmes de rein. "J'essaie de me soigner mais c'est long", confiait la jeune femme de 23 ans. La détresse de ces femmes est d'autant plus grande que selon une étude menée par Global One, 60% des réfugiés en Syrie et au Liban n'auraient pas de sous-vêtements. A cela s'ajoute le manque d'eau pour se laver et s'il y en a, le manque de fioul ou d'électricité pour la faire bouillir.
La rupture des accords de paix au Soudan du Sud et la persécution des Rohingyas en Birmanie, ont également poussé plus d'un million de personnes à prendre la fuite. Environ 82% des 800 000 réfugiés rohingyas installés au Bangladesh sont des femmes et des enfants. De retour d'une mission humanitaire pour Médecins du monde, à Bazar Cox district, un morceau de terre frontalier avec la Birmanie, la docteure Géraldine Brun alertait sur les conditions sanitaires déplorables des femmes.
Comme les sanitaires sont mixtes, "elles n'osent pas y aller et s'y rendent la nuit ou vont en forêt, ce qui augmente les risques d'agression. Il y a aussi le problème lié aux menstruations. Elles n'ont pas de quoi se changer, se laver et peuvent passer le temps des règles enfermées sous la tente". Le manque de poubelles et la transparence des toiles de tente rendent également l'intimité de ces femmes difficile. Des femmes souvent issues de communautés où les règles sont un sujet tabou, voire un phénomène humiliant. Près de 30 millions de femmes à travers le monde seraient dans cette situation selon Marni Sommer, professeure à l'École de santé publique de l'université de Columbia, à New York et citée par Reuters.
Un problème passé sous silence selon la Britannique Gabby Edlin, fondatrice de Bloody Good Period, une initiative solidaire visant à distribuer des serviettes hygiéniques aux réfugiées installées à Londres. Dans un entretien accordé à BuzzFeed News en août dernier, elle expliquait que "les produits d'hygiène sont aussi essentiels que la nourriture". En devenant bénévole au centre de collecte de dons pour demandeurs d'asile de la synagogue de New North London, Gabby Edlin s'est étonnée de ne pas voir de protections féminines à côté de la nourriture et des vêtements.
"Je me suis dit : 'Mais merde, chaque fois qu'on a ses règles, c'est un cas d'urgence !' Les protections sont aussi essentielles que la nourriture. On ne peut pas juste se mettre du sang partout. Il ne s'agit pas d'une petite aide en plus – c'est une nécessité pour les femmes". Aujourd'hui, l'initiative permet d'aider les femmes "qui subissent cette dépense supplémentaire à cause de leur genre" et a mis en place un espace où elles peuvent se retrouver et partager leurs expériences.
En France, l'association Règles élémentaires, qui distribue des protections féminines aux femmes sans-abris, aide également les migrantes en organisant des collectes pour le Samu Social de Paris qui gère la direction médico-sanitaire des centres d'accueil d'Ivry où se trouvent les familles et les femmes seules. "Nous coordonnons des collectes partout en France, nous explique la présidente de l'association Tara Heuzé. Des bénévoles créent un compte sur notre site et indiquent les date et lieu de la collecte. Nous les matchons avec un partenaire redistributeur dans une région qui a des besoins et communiquons sur l'événement".
Depuis sa création en novembre 2015, Règles Elementaires a supervisé plus d'une centaine de collectes de serviettes hygiéniques et de tampons dans tout le pays, récolté plus de 150 000 unités (car les paquets déjà ouverts sont acceptés) et approvisionné plus de 15 000 femmes. "Nous avons également 'des boîtes à dons' dans des entreprises privées, les mairies du 18e, du 4e et du 12e arrondissements de Paris, et dès le 21 novembre prochain à la Maison des Associations du IVe arrondissement de Lyon. Les gens peuvent y déposer des protections féminines".
L'église Saint-Bernard de la Chapelle, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, est également très engagée auprès des migrants. Chaque mercredi, des bénévoles distribuent aux femmes migrantes, les vêtements et produits d'hygiène collectés par Emmaüs. De même que l'Auberge des migrants à Calais et les maraudes bénévoles. Car comme dirait l'autre, "ce n'est pas l'argent qui manque, c'est le partage".