Adrienne Maree Brown est l'autrice queer afro-américaine, ancienne chroniqueuse sexo pour Bitch Media, derrière Pleasure Activism: The Politics of Feeling Good, ouvrage sorti en mars 2019. Elle y démocratise le concept du "pleasure activism", qui vient du féminisme noir et veut nous pousser à revoir les bases de l'activisme social.
Elle s'inspire du travail d'Audre Lorde, autrice afro-américaine féministe de Uses of the Erotic, notamment, et part du principe qu'il est "important d'arrêter de faire culpabiliser les gens pour les plaisirs qu'ils peuvent trouver dans cette vie", comme elle l'explique au site Man Repeller.
Elle estime que mettre la main sur son plaisir sexuel, et rendre nos actions plus agréables (elle mentionne notamment la nourriture comme plaisir fédérateur), peut jouer un grand rôle dans notre combat pour la justice et la liberté, et contre l'oppression dont souffrent les personnes racisées et les populations marginalisées.
"L'oppression nous fait croire que le plaisir n'est pas une chose à laquelle nous avons tous un accès égalitaire", explique-t-elle. "L'une des façons dont nous commençons à nous réapproprier pleinement nos corps - notre moi libéré, notre moi libre - est de récupérer notre accès au plaisir."
Se connaître soi, découvrir son corps, comprendre que l'on mérite ces instants d'extase et de bonheur quotidiens participerait donc à rendre nos combats plus forts et efficaces.
L'activisme de plaisir a deux buts : l'un consiste à oeuvrer pour rendre l'activisme dit "traditionnel" aussi agréable que possible, et l'autre pour que les personnes historiquement marginalisées et privées de leurs droits se saisissent du plaisir dans leur vie quotidienne. Adrienne Maree Brown accuse d'ailleurs le patriarcat, l'hétéronormativité et la suprématie blanche, qui ont eux tout fait pour les en séparer via des siècles d'oppression.
"En tant que femme noire dans ce pays, je dois me promener tous les jours en sachant que, si j'étais née à un autre moment, j'aurais pu être élevée pour le plaisir de celui qui me possédait à cette époque, comme le voulait la loi", ajoute l'autrice. "J'essaie de revenir de là à vivre dans ma propre dignité et à réaliser mon propre plaisir, mon propre corps - pas pour que quelqu'un d'autre l'utilise, ni pour que quelqu'un d'autre en soit propriétaire."
A travers son livre, elle donne une liste de "devoirs" à faire à la maison comme la masturbation, la prise de photos nues à conserver pour soi, effectuer des recherches... Lors d'une interview avec ColorLines, elle confie quelques pratiques de bases : "Entrer vraiment en contact avec son corps, littéralement sentir son corps davantage, se masturber plus, apprendre ce qui nous donne du plaisir simplement grâce à son propre toucher."
Elle s'adresse aux personnes racisées en leur indiquant qu'il est temps d'insister sur le mot "plaisir" de la formule "activisme de plaisir", et de comprendre "que cela fait des centaines d'années que la suprématie blanche essaie de nous convaincre que nos corps humains miraculeux sont inférieurs, pas beaux, seulement désirables comme fétiches".
Aux blanc·hes, elle propose de faire la même chose niveau découverte du corps, mais de se concentrer davantage sur le mot "activisme" de la formule "activisme de plaisir". "Assurez-vous d'être consciente de l'empreinte de vos privilèges, et que votre plaisir ne se prenne pas au détriment des autres."
Une réelle réappropriation de ses sens, de son pouvoir, de son désir et une prise de conscience cruciale, que l'on s'empressera de faire suivre et d'appliquer.