Que faut-il avoir pour déplaire aux chantres du "politiquement incorrect" ? A priori, être dépourvue de testicules est un bon début. Mais s'engager pour une cause, c'est encore mieux. Le pompon serait encore d'avoir un message à faire passer dans les médias. Et que l'on associe des mots comme "contestation" et "révolution" à votre patronyme. Banco ! Vous êtes désormais détestable. Cela vous étonne d'être insultée pour vos convictions ? Pas de panique, vous n'êtes pas la seule. La preuve en quatre cas de figure.
A seize ans seulement, Greta Thunberg est déjà haïe pour ses trois prochaines vies. Paradoxalement, on accusera dans le même temps l'activiste écologiste d'être trop jeune pour posséder un libre-arbitre (elle est forcément instrumentalisée par les grandes pontes du "capitalisme vert") mais assez "crédible" pour incarner l'un des grands maux de notre époque : "La dérive extrémiste de la lutte contre le réchauffement climatique". Enfin cela, c'est Valeurs Actuelles qui nous l'affirme. Certain·e·s diraient que la militante sensibilise aux grands enjeux du siècle. Et d'autres, qu'elle ne cesse de propager une "propagande alarmiste". C'est beau comme du Trump.
"Elle m'angoisse beaucoup", dit d'elle le polémiste Charles Consigny sur le plateau de Laurent Ruquier. L'une des petites astuces de la manifestante suédoise pour susciter tant d'amour ? Avoir appelé la jeunesse mondiale à la grève climatique. Face à ce geste politique, une seule réponse, heureusement plus mature que son attitude : "Toi, retourne à l'école". Merci à Florian Philippot pour oser rappeler à l'ordre celle qu'il surnomme la "gamine".
La capitaine du navire humanitaire Sea Watch n'a d'humanitaire que le nom. C'est avant tout "une héroïne de pacotille" si l'on en croit la philosophe Anne-Sophie Chazaud. Accusée "de rester sagement dans les sentiers battus du politiquement correct", l'activiste ne serait autre que l'instrument de "la bien-pensance européenne". Quant à son engagement, il ne serait qu'un moyen de s'assurer "une carrière médiatique". L'inénarrable avocat Gilles-William Goldnadel de son côté mise plutôt sur le côté rebelle et egotrip : "Ce ne sont pas les vies qui intéressaient Carola Rackete mais le plaisir de transgresser une loi européenne"n déclame-t-il au Figaro Vox.
Conclusion : non seulement l'activiste cherche avant tout à attirer l'attention (quitte à risquer sa vie pour un article dans Libération), mais en plus, ses combats sont calqués sur la "morale dominante". Au fond, pas besoin d'avoir seize ans pour être infantilisée. Etre une femme engagée suffit. Car à en croire ces "contre-discours", les luttes des femmes ne peuvent exister sans influence extérieure. Elles n'existent que pour provoquer le regard d'autrui, comme un caprice, ou, mieux encore, se "soumettre" à la doxa.
"La faute d'Anne Hidalgo" est devenue, plus qu'une expression courante dans la capitale, une sorte de running-gag. A elle seule, la Maire de Paris porte sur ses épaules tous les poncifs de la femme engagée. Primo : c'est une donneuse de leçons. Deuxio, elle est "la reine des bobos", dixit Valeurs Actuelles, qui lui affuble même le titre de "princesse Hidalgo". Ne manquerait plus d'elle qu'elle soit une partisane du vivre-ensemble. Banco, c'est justement ce que lui reproche Causeur. Un sans-faute.
Les femmes de pouvoir agacent. Leurs discours ne sont que des "leçons" dictées par des "lobbys", leur fonction politique un conte de fées (c'est une reine, une princesse) et l'autorité qu'elles exercent n'ont rien à voir avec celle des hommes de poigne. Au contraire, leur prises de décision les rend "prétentieuse[s] et bornée[s]", précise Causeur. Car une politicienne n'est pas une femme "de convictions" mais "une tête de mule".
Vous le sentez venir, le point "gamine" ? Le pire, c'est que tout cela n'empêche pas l'intéressée de l'ouvrir, pour dénoncer les gauloiseries qu'elle reçoit par exemple - comme la peu royale "Se faire tailler des pipes par Hidalgo". Bref, il y en a qui ne font vraiment pas beaucoup d'efforts pour se réconcilier avec les réacs.
La boss final. Depuis la victoire de son équipe à la Coupe du Monde féminine de football (et la petite danse qui s'ensuivit) la championne américaine est épinglée pour sa grande gueule. On la dit "insupportable et pathétique". Son attitude victorieuse énerve, et pas seulement les puissants. Quand elle est heureuse, on la dit "arrogante". Quand elle affirme son refus de se rendre "à la putain de Maison Blanche", on fustige son manque "d'élégance". Aux yeux des mecs, Megan Rapinoe sera toujours perdante. Mais la rage qu'elle leur inspire est l'une de ses plus belles victoires. "À vouloir être l'égale de l'homme certaines femmes deviennent pires qu'eux", se permet un philosophe. Le souci pour ces derniers, c'est justement que celle-ci n'a pas besoin d'eux pour exister - que ce soit professionnellement ou sexuellement.
Si Megan Rapinoe "a plus de chatte qu'ils n'en auront jamais", elle angoisse surtout ses détracteurs en dévoilant leurs contradictions. "Quand la France a gagné la Coupe du monde de football, vous vous promeniez avec vos sexes à l'air mais Megan Rapinoe serait arrogante parce qu'elle a dansé pour fêter la victoire ?", décoche à ce titre un internaute.
L'athlète est la preuve qu'une sportive ne doit pas seulement "en faire plus" - que ses homologues masculins - pour se démarquer sur le terrain. Elle doit aussi en "faire moins" pour ne pas les brutaliser : moins célébrer, moins offusquer. Lui dicter une conduite à suivre n'a, par contre, rien d'arrogant. Le saviez-vous ? Ceux qui l'obligent à cette bienséance "féminine" seront les premiers à la dire "donneuse de leçons". Du grand art.
Cerise sur le gâteau, en brandissant ses convictions anti-Trump, anti-discriminations salariales et LGBTQ-friendly comme elle le ferait d'une Coupe du Monde (avec le sourire), la championne a gagné son billet d'adhésion au club très fermé de la "terreur féministe". Voire même de la "nouvelle terreur féministe". Le b.a-ba pour celles qui adorent se faire détester.