2019 fut l'année des femmes. De leur talent, de leurs voix et de leurs combats. Championnes et politiciennes, sportives et comédiennes, chanteuses et astronautes. Mais puisqu'il n'y a pas de victoire sans protestations, nombreux furent les misogynes à entacher quelque peu cette révolution, qu'ils soient "polémistes", hommes de pouvoir ou businessmen. Ces machos constituent le "vieux monde". Un patriarcat décrépi que l'on aimerait bien voir sombrer pour de bon. Coup de rétro sur ces machines à facepalms.
"Détends-toi Greta". C'est ce "conseil" bien déplacé qu'a décoché Donald Trump à la jeune militante écologiste Greta Thunberg en décembre dernier. Le macho en chef n'a pas supporté que l'activiste suédoise de seize ans soit élue "personnalité de l'année" par le magazine Time et y est allé de son tweet ridicule : "Greta doit travailler sur son problème de gestion de la colère, puis se faire un bon ciné avec un ami". Difficile d'imaginer plus paternaliste.
L'année 2019 avait commencé sur les chapeaux de roues avec cette édifiante interview de Yann Moix. Dans les pages du magazine Marie-Claire, l'écrivain et polémiste s'est dit "incapable d'aimer" une femme de 50 ans. Pourquoi ? Car c'est "trop vieux". Ah. C'est pourtant son âge. "Les femmes de cinquante ans sont invisibles. Je préfère le corps des femmes jeunes. Un corps de femme de 25 ans, c'est extraordinaire. Le corps d'une femme de 50 ans n'est pas extraordinaire du tout", a-t-il ajouté. Un discours qui en dit long sur l'âgisme dont sont victimes les femmes en France.
Dans la catégorie des politiciens jamais à court de saillies sexistes pour se faire remarquer, Joachim Son-Forget fait office de cas d'école. Sur Twitter, le député avait pris à parti la sénatrice écologiste Esther Benbassa, en raillant notamment "le pot de maquillage" que celle-ci se mettrait "sur la tête". Par la suite, le politicien expliquera qu'il s'agissait avant tout de "faire le buzz". Et en rajoutera une couche dans les pages de Libération : "J'ai voulu lui montrer ce que ça fait quand on est victime d'une campagne ad hominem. Je n'ai pas attaqué sur le physique! Déjà parce qu'on est pas tous égaux face à la vieillesse. Donc ça aurait été injuste. Mais je considère que pour le reste, cela relève du choix personnel: comment on s'habille, comment on se coiffe, comment on se maquille". Aie aie aie, il creuse, il creuse...
Difficile d'imaginer le philosophe Alain Finkielkraut aborder avec pertinence la condition des femmes. Ce serait comme croire au Père Noël. Et le penseur nous l'a démontré cette année en s'exprimant sur le foot féminin, à l'occasion d'une Coupe du monde TR7S stimulante. "J'aime pas le football féminin. Mais c'est pas possible ! Après, on va faire le rugby féminin ?", a-t-il maugréé sur le plateau de la journaliste Sonia Mabrouk. Tout en taclant le principe "d'égalité", l'Académicien s'est laissé aller à un commentaire bien rétrograde : "Ça ne me passionne pas, ce n'est pas comme ça que j'ai envie de voir des femmes". Et dire que c'est encore pire quand il parle de féminisme... On a envie de lui décocher : "Taisez-vous !".
Dans une interview accordée à Télé Loisirs, l'avocate et chroniqueuse Caroline Mécary a dénoncé l'attitude du présentateur Pascal Praud dans son émission L'heure des pros, en insistant sur sa misogynie. "Pascal Praud n'a pas du tout la même attitude avec les femmes et avec les hommes. Il y a un manque de respect qui a des conséquences. Je n'ai pas envie de devenir un punching-ball qu'on va ridiculiser", a-t-elle déclaré. Un sexisme décomplexé. Et pas seulement à la télé. Dans son émission de radio diffusée sur RTL, le journaliste avait réagi au bad buzz suscité par une pub sexiste en critiquant les "procès staliniens" des féministes. A l'écouter, le féminisme et l'activisme digital incarnent "la tyrannie des minorités actives". Alors en 2020, tyrannisons !
"Elle devra avoir un visage très séduisant, sinon ça ne servira pas à grand-chose", avait déclaré le Dalaï-Lama à propos de son éventuelle successeuse. C'était en 2015. Rebelote quatre ans plus tard : en 2019, le chef suprême de l'église bouddhiste du Tibet a encore démontré que la "sagesse" n'excluait pas le sexisme, loin de là. Interrogé par la BBC, il a tout simplement déclaré : "Si une Dalaï-Lama féminine devait me succéder, il faudrait qu'elle soit attirante". Car sinon, "les gens préféreront ne pas voir son visage". Ou quand la spiritualité se cogne contre le comptoir du bistrot. On ferme !
"Vous pourriez être ma mère". C'est ce qu'a décoché le jeune député Robin Reda à la présidente de la commission des lois Yaël Braun-Pivet (de la République En Marche) après que celle-ci l'ait rappelé à l'ordre en pleine Assemblée Nationale. Le député de 26 ans s'était alors permis de "saluer" les propos "quasi maternels" de son interlocutrice. Le bad buzz aidant, Robin Reda s'était évidemment excusé, et platement. Avant de s'en prendre à une nouvelle cible, en juillet dernier : Greta Thunberg. "Elle est passée de lanceuse d'alerte à donneuse de leçons !", a-t-il fustigé sur le plateau de BFM TV. Chassez le macho, il revient au galop.
Vous l'aurez compris, il ne faisait pas bon être féministe et allumer sa télé en 2019 - vraiment pas. Vous auriez pu par exemple tomber sur cet échange indigne entre Daniel Riolo et Jérôme Rothen sur le plateau de L'After RMC. C'est avec une décontraction totale que les deux chroniqueurs sportifs ont émis des jugements sur Najila Trindade Mendes de Souza. Cette jeune femme de 26 ans accuse le footballeur brésilien Neymar de viol. "Dans l'histoire de Neymar j'ai pas pu m'empêcher de penser à un truc un peu con. Mais la nana, tu l'as vue la nana ? Je m'attendais à ce que ce soit un avion de chasse intersidéral. J'étais vachement déçu", s'est amusé Daniel Riolo, jamais avare en slut-shaming. On pensait regarder une émission sportive, mais le vrai sujet n'était autre que la culture du viol. Et les premiers à l'ignorer sont évidemment Daniel Riolo et Jérôme Rothen.
Vous reprendrez bien quelques remarques à vomir ? Cette année, Brigitte Macron a subi celles du ministre de l'Economie brésilien Paulo Guedes. Lors d'un débat animé à Fortaleza, au nord-ouest du Brésil, ce dernier a déclaré que la Première Dame était "une femme vraiment moche". Ce n'est pas la première fois que Brigitte Macron suscite l'agacement des misogynes - l'on ne compte plus le nombre de réflexions sur son âge et autres "cougar" déplacés. Un sexisme d'Etat auquel a réagit Tiphaine Auzière en lançant sur Twitter un hashtag salvateur : #Balancetonmiso.
Cerise sur le gâteau de cette année riche en facepalms, la "défense" du producteur déchu Harvey Weinstein, accusé d'harcèlement, d'agression et de viol par près d'une centaine d'actrices et anciennes employées. Dans les pages du New York Post, l'homme d'affaires a tressé ses propres lauriers en déclarant (très sérieusement) : "J'ai fait plus de films réalisés par des femmes et sur les femmes que n'importe quel cinéaste. Je l'ai fait en premier ! J'ai été un pionnier !". Et ce à quelques semaines de son procès, qui aura lieu le 6 janvier prochain. Sans rire, l'on ne doute pas qu'Harvey Weinstein soit féministe. Il l'est certainement autant que Donald Trump.