"J'ai fait plus de films réalisés par des femmes et sur les femmes que n'importe quel cinéaste. Je l'ai fait en premier ! J'ai été un pionnier !". Si l'on vous demande "qui a dit ça ?", peu de chances que vous répondiez "Harvey Weinstein". Et pourtant... Avec une mégalomanie que n'aurait pas enviée Donald Trump, le producteur déchu a loué son flair de "film-maker" dans les pages du New York Post. Interrogé par le journal américain, il l'affirme : oui, il a fait des films féministes, et bien avant que "cela soit à la mode", ajoute-t-il. On croit rêver.
Mais tout cela, "l'affaire Weinstein" l'aurait effacé. Comprendre, les plaintes de près d'une centaine d'actrices et anciennes employées, accusant le mogul déchu d'Hollywood de harcèlement, agression sexuelle et viol. "Mon travail a été oublié", déplore le businessman au New York Post. Une tirade faussement shakespearienne - mais vraiment pathétique - qui n'a pas manqué de faire réagir certaines de ses principales accusatrices.
"Non, je ne t'ai pas oublié, Harvey", lui a d'emblée décoché, par tweets interposés, Rose McGowan. L'actrice est l'une des premières femmes à avoir témoigné contre Harvey Weinstein, et elle est également l'une des figures majeures du mouvement #MeToo.
Sur Twitter, elle ajoute : "Mon corps ne t'a pas oublié. J'aimerais que ce soit possible". Une répartie cinglante. Qui met à mal le discours du producteur et sa volonté de détourner l'attention de l'opinion publique et des médias. Pour Rose McGowan, plutôt que de s'attarder sur ces formulations provocantes, il s'agirait d'en revenir à l'essentiel : "arrêter un violeur prolifique". Des mots applaudis, relayés et likés des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux.
Et comme elle, nombreuses sont les victimes présumées à remettre les faits au coeur de cette polémique. Plus précisément, ce sont pas moins de 23 plaignantes qui ont accolé leur signature à une déclaration officielle. Une lettre ouverte relayée par le Los Angeles Times, et qui n'y pas par quatre chemins pour déboulonner les propos du producteur.
"Harvey Weinstein dit dans une nouvelle interview qu'il ne veut pas être oublié. Et bien, il ne le sera pas. Il restera dans les mémoires comme un prédateur sexuel et un agresseur qui a tout pris et ne mérite rien", y lit-on. "Harvey Weinstein restera dans les mémoires par la volonté collective d'innombrables femmes qui se sont levées et ont dit : assez", ajoutent ses victimes présumées.
Et les signataires d'insister : il est hors de question de laisser "ce prédateur" réécrire l'histoire, son histoire. Et si "héritage" il y a, il n'est pas fait d'ambitions féministes, ça non, mais "d'abus", concluent les plaignantes.
Par-delà les noms de Rose McGowan et Ashley Judd (deux des voix les plus médiatisées de "l'affaire Weinstein"), on trouve, accolés à cette lettre, ceux de la comédienne et réalisatrice Rosanna Arquette, des actrices Jessica Barth, Katherine Kendall et Caitlin Dulany, ou encore de la mannequin et autrice néo-zélandaise Zoe Brock.
Et les accusatrices ne sont pas seules à fustiger cette manipulation déplacée de l'accusé sexagénaire. Leurs avocats le font également. L'un d'entre eux, Douglas Wigdor, épingle du côté du Los Angeles Times "l'incapacité totale [d'Harvey Weinstein] à assumer ses responsabilités". De plus, Wigdor trouve cela tout à fait logique que ses productions antérieures aient été "éclipsées par ses actes horribles". Voilà qui est dit.
"Je me sens comme un homme oublié", ajoutait Harvey Weinstein dans les pages du New York Post. Qu'il se rassure, ce n'est pas le cas. Et son procès, qui aura lieu le 6 janvier prochain et le confrontera à deux de ses plaignantes, le démontrera. Oui, son "oeuvre" restera. Mais peut-être pas pour les raisons qu'il a à l'esprit...