25 millions de dollars. C'est ce que prévoit de verser le producteur Harvey Weinstein à des dizaines de femmes l'accusant d'agression et de harcèlement sexuels. A savoir, pas moins de trente victimes présumées, entre actrices et anciennes employées de sa compagnie, lesquelles se partageraient la somme. De maigres "frais d'indemnités" s'il en est face aux très nombreuses accusations d'abus dont l'homme d'affaires fait l'objet depuis deux ans déjà. Et une transaction qui, à l'heure où s'écrivent ces lignes, attend encore la validation d'un juge...
C'est le New York Times qui nous révèle la nature de cette opération, confirmée par l'avocat de la comédienne Paz de la Huerta. L'actrice est l'une des nombreuses victimes présumées du producteur : elle l'accuse de viol. Alors que le procès du mogul déchu d'Hollywood se fait désespérément attendre, cette somme à six zéros constituerait un "accord de principe".
Même si ce versement est validé par un juge, comme le précise le journal américain, il n'aura aucune incidence sur le déroulement de l'imminent procès pénal du producteur, qui devrait comparaître le 6 janvier prochain à Manhattan. Rappelons que dans ce cadre précis, Harvey Weinstein est accusé de viol par deux femmes. Pour deux faits, remontant respectivement à 2013 et 2006. Et qu'il risque la prison à perpétuité.
Cependant, la validation de cet accord (provisoire) mettrait tout de même fin aux poursuites engagées par les victimes qui en accepteraient les clauses. Qui plus est, ces millions de dollars ne sortent pas de la poche d'Harvey Weinstein en personne, non : ils seront intégralement reversés par les assureurs de son entreprise, The Weinstein Company. Cette potentielle "indemnisation" fait en vérité partie d'une somme plus importante, prise en charge par sa compagnie d'assurance : un total de 47 millions de dollars, comprenant les frais juridiques, dettes et autres contentieux.
Quand bien même cet accord n'est qu'une hypothèse, nombreux·se sont déjà celles et ceux à s'indigner, des avocats aux militantes en passant par certaines actrices. C'est le cas de la comédienne et mannequin Zoe Brock par exemple. "Ce règlement est une plaisanterie, je suis dévastée et consternée", a déclaré la présumée victime au site de la BBC. Même désaccord pour Douglas Wigdor, l'avocat des deux accusatrices du procès du 6 janvier, qui "rejette cette idée". Pour beaucoup, cette démarche, et ce qu'elle impliquerait, démontre les faiblesses du système judiciaire américain face aux tout-puissants.
"Si c'est la meilleure chose que les survivantes puissent obtenir, alors le système est cassé", cinglent ainsi les porte-paroles de Time's Up, le mouvement de lutte contre le harcèlement sexuel initié suite aux premières révélations de l'affaire Weinstein. Il faut dire qu'en émettant une telle proposition, Harvey Weinstein (et ses avocats) suggèrent aux nombreuses plaignantes qu'elles pourraient très bien ne pas bénéficier "d'un meilleur niveau d'indemnisation", commente l'avocate Genie Harrison à la BBC. Voire même, ne rien avoir du tout... De quoi les inciter à faire cesser leurs poursuites.
Et la protestation des comédiennes et anciennes employées qui "résistent" à cette offre est légitime. Car ce sont plus de 75 femmes qui accusent le producteur d'abus. Et aucune ne souhaite que cette affaire historique aboutisse à son impunité.