Le vibro n'est peut être pas notre meilleur ami, mais il squatte sans aucun doute le podium des trois éléments essentiels au bon déroulement de notre semaine (les jus d'oranges pressées de Franprix et les culottes en coton occupant les deuxième et troisième places). On est même à deux doigts de lui filer un nom, tellement on a l'impression que parfois, il nous comprend comme personne.
Tantôt concentré sur le clitoris, tantôt utilisé comme un pénis pendant la pénétration, il peut se décliner en plusieurs formes et couleurs qui se marient à la perfection avec notre intérieur. Une petite touche déco sex-toy qui ne manquera pas d'éveiller la curiosité de nos visiteurs, et d'exciter nos partenaires qui auront le bon goût de ne pas développer de complexe d'infériorité face à un objet à piles.
Mais sait-on vraiment d'où il vient, notre vibromasseur ? Son origine première, plutôt. Pas l'adresse de la boutique qui nous l'a fourni avec des conseils avisés (en nous expliquant notamment que le petit lapin pouvait s'enfiler devant-derrière). Comment a-t-il été inventé, pourquoi, et à quoi ressemblait-il avant de prendre la forme de l'un des plus beaux sexes que vous ne verrez jamais ?
Au XIXe siècle, vous vous doutez bien que le plaisir féminin était le cadet des soucis de l'ordre des médecins. Pas forcément parce qu'il y avait plus urgent à traiter, mais plutôt parce qu'on expliquait que la femme avait largement moins d'appétit sexuel que l'homme, qui était quant à lui tout excusé d'aller se taper des maîtresses en catimini. C'est un homme, il en a besoin.
D'un autre côté, on considérait que les femmes frustrées ou carrément négligées sexuellement par leur époux souffraient d'"hystérie". Un terme qu'on a aujourd'hui remplacé par "névrose" mais qui à l'époque qualifiait n'importe quel comportement féminin qui sortait du moule.
Afin de soigner cette "hystérie" donc, plusieurs médecins progressistes vont ainsi exercer une stimulation clitoridienne jusqu'à son paroxysme - pratique qui suffirait à soulager émotionnellement la patiente et à venir à bout de crises comportementales. "Paroxysme" étant également une façon bien alambiquée de définir l'orgasme, que l'on croyait exclusif à la pénétration à l'époque. Mais revenons à nos moutons.
D'abord conduite à la main, cette stimulation va vite requérir l'utilisation d'un appareil mécanique (la séance pouvait durer jusqu'à une heure. A mains nues, c'est long). Le Dr Granville, médecin à l'origine de beaucoup de recherches sur la question, crée alors une invention à pompe assez lourde, baptisée le marteau de Granville. Le premier vibromasseur est né et l'"hystérie" se fait plus rare.
Avec les progrès mécaniques de l'époque, le sextoy se fait moins encombrant, jusqu'à être employé dans le porno des années 20. Seul problème, maintenant que le public comprend qu'il s'agit d'une source de plaisir pur, son utilisation devient extrêmement critiquée - et tabou. On peut notamment remercier les hommes à la tête de la société qui continuent, quant à eux, de rendre bien tranquillement visite à des femmes qui ne sont pas leurs épouses.
Il faudra attendre les années 60 et 70 et la révolution sexuelle pour que le vibromasseur refasse une entrée fracassante. Le sujet est beaucoup plus librement évoqué et des ouvrages y sont même dédiés. Des autrices américaines se penchent également sur le sujet avec des livres qui ne manquent pas de traverser l'Atlantique (My Secret Garden, de Nancy Friday ou Le complexe d'Icare, d'Erica Jong).
Mais c'est dans les années 90 que le vibro devient enfin un objet du quotidien, notamment grâce à Sex & the City, série cultissime qui aborde la sexualité avec une liberté inédite - et donne au sextoy un caractère ordinaire en détruisant peu à peu le voile désapprobateur qui l'entoure.
Aujourd'hui, parler de sexe et le pratiquer (seule ou accompagnée) n'a rien à voir. Aux Etats-Unis par exemple, plus de 52 % des femmes avouent posséder un vibromasseur et l'utiliser fréquemment. Outre le plaisir, il sert également à mieux connaître son corps et à savoir comment guider l'autre pour obtenir des rapports sexuels beaucoup plus satisfaisants.
Il reste essentiel de retracer son histoire pour réaliser les progrès faits en termes de sexualité féminine, mais tout aussi important de préciser qu'ils sont encore insuffisants. La solution ? Continuer dans cette voie en réduisant à néant l'écart entre la normalité des discussions sur la sexualité de l'homme et de la femme, et briser le tabou une fois pour toutes.
Que la force soit avec nous.