« Elle est toujours comme ça la petite ? ». La pique adressée par l'ancien ministre de l'économie Arnaud Montebourg à une journaliste n'est pas passée inaperçue. Diffusée jeudi 28 août dans l'émission Envoyé Spécial, la boutade sexiste a provoqué une vague de réactions sur les réseaux sociaux.
Au-delà du faux pas médiatique, la maladresse de l'ex-ministre a eu le mérite de mettre le doigt sur ces expressions sexistes qui, sous couvert d'innocence, parsèment la langue française dans le consentement collectif. « La moitié des hommes sont des femmes », sauf dans notre bonne vieille langue de Molière. Car, aussi séduisante soit-elle, cette dernière n'en regorge pas moins de termes misogynes dont beaucoup s'accommodent au quotidien. La preuve par dix…
Le courage se situerait-il dans les testicules ? C'est ce que semble indiquer l'expression consacrée, illustrant le raccourci antédiluvien entre témérité et virilité. Une logique implacable qui autorise tout francophone à qualifier une femme courageuse de femme « qui en a ». L'inverse, comme souvent dans cette liste, relèverait de la pure folie. Car jamais, au grand jamais, nous ne serions impressionnés par un homme ou une femme « qui a eu les ovaires » de réaliser l'impossible.
Rien de plus efficace pour déprécier un homme sans courage que de le rabaisser au rang... de femme. L'expression, redoutable pour quiconque cherche à déchaîner la colère du mâle, a d'ailleurs ses variantes, toutes empruntées de près ou de loin au champ lexical de la féminité : « Fillette », « gonzesse », « poule » (de préférence mouillée)... Une fois encore, tentons l'exercice inverse : « Arrête de faire ton hommelette ! ». Crédibilité : zéro, sexisme : un.
Cherchez-lui tous les synonymes que vous voulez (irrationnelle, émotive, impulsive...), le terme nous ramène bien souvent au concept de la femme un peu dingue, dont la colère et le comportement sont jugés disproportionnés. Dérivé du grec « hustera », le mot nous vient d'Hippocrate, selon qui cette maladie était causée par un déplacement de l'utérus dans le corps. Une forme de névrose résolument associée à la féminité, même si de nombreux médecins ont depuis démontré son existence chez les hommes.
C'est bien connu, quand les Anglais débarquent, vous devenez invivables ! Les clichés ayant la peau dure, se référer aux menstruations pour critiquer l'attitude d'une femme est devenu la norme socialement admise. Comme si ce cycle menstruel était synonyme de maladie. Breaking news à destination des adeptes de l'expression : être « indisposée » ne signifie pas devoir recourir immédiatement à un professionnel de santé.
Toute mère respectable que vous êtes, ne comptez pas sur la loi pour vous rendre hommage ! L'expression, directement inspirée du droit romain, est devenue une notion juridique à part entière et a la fâcheuse tendance de nous rappeler le langage ampoulé d'une IVe République révolue. Droit civil, urbanisme, éducation... La formule, faisant de Monsieur un modèle de raison, a envahi les textes au point d'apparaître « quinze fois dans les parties législatives des codes en vigueur » selon des élus d'Europe Écologie-Les Verts. Un paternalisme auquel l'Assemblée Nationale a mis fin le 21 janvier 2014 en adoptant un amendement supprimant cette notion du droit français. Suppression confirmée par la loi du 4 août 2014 relative à l'égalité hommes-femmes. Mais, dans le langage courant, ça risque de prendre un tantinet plus de temps…
Plus attirée par le bleu que le rose ? Un certain goût pour le ballon rond ? Pas de doute, le diagnostic est sans appel : cette petite fille est un « garçon manqué ». L'expression désigne une fille dont le comportement rappelle celui de ses camarades masculins. Une féminité ratée en somme, comme si cette dernière ne pouvait s'exprimer que d'une seule façon. Aventureuse, conquérante, forte de caractère... Et si le garçon manqué était en fait une fille réussie ?
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« Mal baisée »
L'élégante expression cible presque exclusivement les femmes, pointant du doigt des frustrations d'ordre sexuel pour expliquer un comportement désagréable. Que dire alors de la gente masculine lorsqu'elle est insupportable ? Plus important encore : mieux vaut-il être mal baisée que pas baisée du tout ?
Terminons cette liste par le bien trop innocent titre de civilité. Le degré de sexisme de la formule est ici fonction du contexte dans lequel il s'insère. L'usage qui en est fait annonce le plus souvent l'arrivée d'une assertion paternaliste, pour ne pas dire un début de phrase humiliant. Un « Mesdames » bien placé a donc cet avantage de suggérer l'affront sans jamais tomber dans le sexisme outrancier.
Impossible d'établir une liste exhaustive tant la langue française réserve des surprises. On aurait pu citer pêle-mêle « le sexe faible », « la fée du logis », « l'école maternelle »... Et tant d'autres que le trublion, et néanmoins philosophe, Michael Youn (sous les traits de Christelle Bazooka), détaillait en 2007 dans son clip « C'est une pute » (à partir de 57"). Si vous pensez à d’autres expressions, signalez-les dans les commentaires. Nous nous ferons, « Mesdames », un plaisir de les ajouter à notre liste.