"On parle souvent de l'égalité dans les salaires. Je pense que ce n'est pas un truc qui marche dans le sport. Je pense toujours qu'elles (les sportives de haut niveau, ndlr) ne devraient pas gagner autant que les hommes car elles ne font pas le même sport." Élu en 2012 au Conseil des joueurs de l'ATP, Gilles Simon avait crée la polémique avec un discours prenant le contre-pied de l'égalité des sexes. Comme lui, nombreuses sont ceux qui négligent, voire déprécient le sport féminin.
Moins présentes dans les médias, les femmes sont loin d'être rémunérées à la même hauteur que les hommes. Quand les joueuses de Division 1, la première compétition française de football, gagnent en moyenne entre 3000 et 5000 euros par mois, leurs homologues masculins gagnent dix fois plus. Une réalité plus discriminante encore que celle qui s'observe aujourd'hui en France dans le monde du travail : un homme touche un salaire 27% supérieur à celui d'une femme selon l'INSEE. Dans le sport, ce chiffre explose. Ainsi pour la plupart des sportives de haut niveau, les revenus liés au sport ne sont pas suffisants et nécessitent le cumul d'un autre emploi.
Les salaires maximums, eux aussi, démontrent que cet écart est plus que significatif. Dans le classement des sportifs les mieux payés du monde, la gente féminine est aussi pénalisée. Alors que le boxeur Floyd Mayweather montait en 2014 sur la première marche du podium avec 150 millions de dollars touchés pour un seul combat, la première femme du classement n'arrivait qu'en 34e position. Il s'agissait de la tenniswoman russe Maria Sharapova avec 24 millions de dollars.
Si du côté des hommes, les joueurs de talent obtiennent pour la plupart le statut de professionnel, ce n'est pas le cas pour les femmes. Le football et le rugby comptent de plus en plus d'adeptes féminines. Mais si les hommes jouissent d'un statut professionnel encadré par des contrats parfois très avantageux, les membres d'équipes féminines sont très peu nombreuses à obtenir un véritable contrat. Bien au contraire, la pratique impose le plus souvent aux sportives de haut niveau de se contenter d'un statut amateur sans rémunération ou d'un contrat semi professionnel.
C'est le cas de Lucile Bridet, 25 ans, joueuse pour le Stade Français : "Ne pas être rémunérée en division fédérale, c'est compréhensible. Mais quand on sait que les joueuses de l'équipe de France sont payées 70 euros la journée, on se demande où la Fédération veut emmener le rugby féminin." Selon plusieurs joueuses de la formation tricolore, le sentiment général est simple : la Fédération Française de Rugby empêche le rugby féminin de se développer.
Un statut professionnel difficilement atteignable mais, plus grave encore et pour diverses raisons, les femmes ont également plus de mal à accéder au secteur du sport en général. Aujourd'hui encore, plusieurs pratiques sportives ferment leurs portes aux femmes comme certains sports automobiles (rallye, moto GP par exemple). Les emplois liés à l'encadrement sportif sont aussi très peu ouverts aux femmes, tant au niveau de l'enseignement que de la formation et de l'aspect technique.
Mais au-delà des barrières imposées par le monde professionnel, les limites du sport féminin sont également à chercher du côté de la vie de famille. Nombre de sportives ont en effet sacrifié leur passion, voire leur carrière, pour se consacrer à leurs proches. C'est par exemple le cas de Justine Henin, ancienne numéro un mondial de tennis, qui a mis un terme à sa carrière en 2011 à l'âge de 27 ans. En 2008 déjà, la Belge avait décidé de s'arrêter au sommet, ne supportant plus la distance quotidienne avec sa famille : "J'avais de plus en plus de mal à faire mes valises et à quitter ceux que j'aime. Il m'a fallu du courage pour le reconnaître mais j'en suis fière", avait alors déclaré la joueuse durant sa conférence de presse.
Si les inégalités persistent dans le sport, il faut souligner que certaines disciplines, comme le tennis justement, ont su faire un pas en avant vers plus d'égalité entre les sexes. Depuis 2007, joueuses et joueurs reçoivent ainsi les mêmes primes et les mêmes récompenses lors du tournoi de Roland Garros. Suffisant ? A l'évidence non, mais l'initiative devrait inspirer d'autres disciplines et plus largement les acteurs du sport en France. Comme le souligne Lucile Bridet, les médias ont en effet leur rôle à jouer pour faire avancer le sport féminin : "Il faut sortir des stéréotypes et quand il y aura une couverture médiatique correcte, les contrats évolueront."
Jordan Hervieux, Stéphane Chevreul et Tom Monegier.
Dossier réalisé en partenariat avec les étudiants de l'Institut Européen de Journalisme.