Dans un rapport publié le 30 juin dernier, des enquêteurs de la Mission des Nations Unies au au Soudan du Sud (Minuss) ont fait état de "violations des droits de l'Homme généralisées" dans ce pays séparé du Soudan depuis juillet 2011. Selon ce document alarmant, l'armée sud-soudanaise, SPLA, qui a lancé en avril dernier une vaste offensive contre les forces rebelles, se serait livrée à des actes d'une rare violence contre les populations de l'Etat de l'Unité, au nord du pays.
S'appuyant sur les témoignages de 115 personnes (témoins et victimes), les observateurs du conflit ont souligné la "brutalité nouvelle" avec laquelle l'armée semble ravager le pays. "Les survivants de ces attaques ont affirmé que la SPLA et ses milices alliées du département de Mayom ont mené une campagne contre la population locale, tuant des civils, pillant et détruisant des villages, et provoquant le déplacement de plus de 100 000 personnes", a précisé l'ONU dans un communiqué.
"Certaines des accusations les plus inquiétantes compilées par les agents des droits de l'Homme de la Minuss portent sur l'enlèvement et des abus sexuels contre des femmes et des filles, dont certaines auraient été brûlées vives dans leurs maisons", a ajouté l'organisation qui note une intensification des combats dans la région, "marquée par des accusations de meurtre, viol, enlèvement, pillage, incendie criminel et déplacement (de population)".
Selon le rapport remis par les enquêteurs, au moins neufs incidents séparés se sont produits. "Des femmes et des filles ont été brûlées dans des huttes après avoir été victimes de viol collectif", détaille le rapport qui fait état de nombreux autres cas d'abus sexuels, notamment de mères notamment violées devant leurs enfants.
Face à ces accusations, le gouvernement sud-soudanais a réagi dimanche 5 juillet en affirmant que si les faits dénoncés par l'ONU étaient avérés, il punirait les militaires qui ont violées puis brûlées vives femmes et filles dans cette région. "Nous avons lu le rapport et ces crimes odieux ne peuvent avoir été commis que par des individus odieux", a déclaré le porte-parole militaire du Soudan du Sud, Philip Aguer.
"Notre armée a été créée pour protéger nos femmes et nos enfants, assurer leur sécurité et le respect de leur dignité. Si dans les faits, le rapport de l'ONU est juste, alors les quelques individus responsables de ces crimes haineux font honte à la SPLA et cela ne peut être toléré", a ajouté le porte-parole, ajoutant que "quiconque sera jugé coupable d'avoir participé à ces crimes horribles sera traduit en justice devant les tribunaux et devant Dieu". Une déclaration loin d'être anodine dans un pays où, habituellement, l'armée a coutume de balayer ce type d'accusations.
Mais si le discours se veut rassurant, le gouvernement entend régler le problème à sa manière en coulisses. Après la publication du rapport, l'ONU craint en effet l'expulsion d'un de ses représentants au Soudan du Sud. La mission onusienne a expliqué "avoir eu connaissance d'informations selon lesquelles le gouvernement de l'Etat d'Unité aurait exprimé son souhait de ne pas voir la chef de la mission dans cet Etat, Mary Cummins, reprendre son poste" dans la capitale locale de Bentiu, rapporte le Figaro.
Mais si l'armée est sous le feu des critiques, les forces rebelles ne sont pas, elles non plus, exemptes de tout reproche. Le camp rebelle a été lui aussi à plusieurs reprises accusé d'atrocités, notamment de viols, meurtres et recrutement d'armées d'enfants soldats. Une situation qui a conduit le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à mettre en garde les populations locales contre les dangers que font peser sur eux les combats entre les forces loyales au président Salva Kiir et celles du leader rebelle Riek Machar, originaire de Leer.
Selon les Nations Unies, plus de 300.000 civils se trouvent sans assistance de base dans l'Etat d'Unité. "Les hostilités en cours dans l'Etat d'Unité ont obligé toutes les organisations non-gouvernementales et les agences des Nations unies à évacuer leurs personnels" de la région, a par ailleurs indiqué le responsable de l'ONU pour le Soudan du Sud Toby Lanzer.
Le conflit au Soudan du Sud a éclaté en décembre 2013, avec des combats au sein de l'armée sud-soudanaise, fracturée le long de lignes politico-ethniques par la rivalité à la tête du régime entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar.