La pub est courte est efficace. On y voit un faux talk show à l'américaine intitulé "Tampons and Tea" ("Des tampons et du thé" en français), qui met en scène une présentatrice et son invitée.
La première lance tout de go : "Alors, dites-moi, combien d'entre vous ont déjà senti leur tampon ?". La jeune femme sur le plateau lève la main - et honnêtement, nous aussi. Elle enchaîne face caméra, expliquant que c'est probablement parce qu'on ne l'a pas mis "assez loin", et poursuit : "Vous devez les faire monter, les filles !". S'en suit un schéma manuel, qui indique la marche à suivre pour placer la protection de la bonne façon. Et ne plus être gênée au quotidien.
L'idée du clip ne sort pas de nulle part. Elle vient d'un sondage étonnant (et en même temps pas tellement, vu les non-dits qui entourent les règles) mené par la marque, qui révèle que 42 % des personnes utilisant des modèles avec applicateurs ne les insèrent pas correctement, ce chiffre passant à 58 % chez les 18-24 ans. Une vidéo d'utilité publique, donc.
Seulement, c'était sans compter sur l'acharnement de celles et ceux qui jugent les menstruations trop taboues pour être abordées à la télévision.
Après 84 plaintes auprès de l'Advertising Standards Authority for Ireland (ASAI) ("nettement plus élevées que celles normalement reçues", précise un porte-parole) la pub a été suspendue. Parmi les critiques, des femmes la catégorisaient d'"effrontée, dégoûtante et inutile", quand d'autres tempêtaient qu'elle "franchissait la limite de la décence", rapporte The Lily. Tout ça suscité par un mode d'emploi de tampon. Les bras nous en tombent.
Une décision d'autant plus hallucinante que l'organisme a estimé que la vidéo avait causé une offense "généralisée" et annoncé que la publicité "ne devrait pas être diffusée à nouveau dans le même format", tout en reconnaissant qu'elle "fournissait des informations factuelles d'une manière qui n'était ni explicite ni graphique".
Fiona Tyrrell, présidente de l'Association irlandaise de planning familial, décrit l'ASAI comme étant "scandaleusement en décalage avec les attitudes dominantes en matière de sexualité en Irlande". "Il est tout simplement inacceptable que l'ASAI accède aux demandes de quelques dégoûtés et interdise cette publicité", s'indigne-t-elle auprès de The Lily. "La censure des informations sur la sexualité et la reproduction appartient au passé."
Pour Charlotte Amrouche, qui anime des ateliers d'éducation menstruelle dans toute l'Irlande, même constat. Elle qualifie la censure de "décevante et extrêmement frustrante", dénonçant que cela suggère "que les vagins, les règles et les produits liés aux menstruations sont tous offensants". "J'ai reçu tellement de messages et de commentaires de personnes qui ont dit que le message de cette publicité leur aurait été utile à l'adolescence ou leur serait utile maintenant", déplore-t-elle.
La marque, elle, s'avoue submergée par le soutien reçu ultérieurement de la part du public irlandais, et assure poursuivre ses efforts "pour normaliser les règles et aider à mettre fin à la stigmatisation" qu'elles subissent. La route est encore longue.