C'est une nuit d'insomnie qui a inspiré le slam de Mayana. "'On est venu pour s'insérer, mais Marianne a ses règles'. Son corps se rebelle et ça te débecte. Tu l'inondes de sperme, mais son sang te répugne", martèle la jeune slammeuse de 17 ans.
Dans ce texte brut, elle s'attaque au tabou persistant des menstruations. "C'était il y a une semaine, je n'arrivais pas à dormir, du coup j'écoutais de la musique. C'est parti d'un texte du rappeur Lord Esperanza où il dit : 'On est venus pour s'insérer, Marianne a ses règles'. J'ai commencé à lire plein d'articles sur le sujet. J'ai parcouru les pages des personnes et des sites qui défendent la cause féminine, comme Angèle, Terrafemina, Chilla, Ça Va Saigner... Puis je n'arrivais toujours pas à dormir, alors je me suis calée une heure et j'ai écrit", explique-t-elle.
Dans son texte, la jeune artiste originaire de Pessac près de Bordeaux, qui s'est choisie comme joli nom de scène "La Guêpe", pique à vif, déclame ses mots comme autant d'aiguillons. Une poésie brute qu'elle puise à la source de son quotidien d'ado.
"J'entendais mes potes revenir de soirée et me dire : 'On n'a pas pu coucher, elle avait ses règles, c'est dégueulasse', ou encore : 'Elle ne voulait pas coucher car elle avait ses trucs'. Du coup, je me suis questionnée sur ce refus de coucher quand on a ses règles. Et j'en suis venue à la conclusion que la femme n'est pas libre avec son propre corps et que l'image véhiculée par la société sur le cycle menstruel est négative", explique-t-elle.
"Il faut démystifier ce phénomène naturel"
La lycéenne engagée s'est lancée dans le slam presque par hasard il y a deux ans. Elle a accroché. Mieux, elle cartonne. Des championnats d'Aquitaine, ses punchlines font mouche et la voilà propulsée jusqu'à la scène nationale. "On m'a un peu forcée au début, puis j'ai commencé les championnats d'Aquitaine et de France où je finissais soit première soit deuxième. J'ai pu naviguer un peu entre les battles et les performances artistiques. aujourd'hui, je remercie les surveillantes de mon collège qui m'ont forcée à faire des ateliers d'écriture."
Elle ferraille principalement contre des mecs et ces clashes verbalement musclés ne sont pas pour lui déplaire. "J'ai plein de choses à leur reprocher !", s'amuse-t-elle.
Ses prestations la poussent à interroger les questions du genre, la place des femmes dans la société, ces injonctions auxquelles elles se heurtent. Elle cogite, affûte son esprit critique avec ses "amis artistes" ("Les gens de ma classe ne comprennent absolument pas") et s'amuse à boxer les tabous et les non-dits. "Je discutais des règles avec ma mère et elle me disait : 'Nous, à l'époque, on en parlait pas, je ne savais pas ce que c'était'. Donc en 50 ans, il y a quand même eu une énorme évolution. Mais les règles, dans l'esprit des hommes comme des femmes, restent quand même quelque chose de répugnant, avec une odeur nauséabonde."
Par ses slams, La Guêpe espère bousculer les idées reçues et piquer là où ça fait mal. "Je pense qu'il faut démystifier ce phénomène naturel qui est symbole de féminité, de force, de vie. C'est quelque chose de fabuleux ! Ça fait mal mais... c'est beau. Je pense donc qu'il faut en parler de façon plus naturelle."
Et face aux haters et autres machos de pacotille, Mayana dégaine sa gouaille de dure à cuire. "Les mecs m'ont déjà balancé sous une vidéo de battle : 'Les femmes sont faites pour la vaisselle'. Les ennemis sont nos amis, ils m'apportent des vues ! Je me dis qu'ils sont jaloux et incapables de produire un quart de ce que nous faisons !" Bien dit.
"'Ils sont venus pour s'insérer,
Marianne a ses règles'
Oh Lord, Dit-il
Son corps se rebelle et ça te dégoûte
Tu l'inondes de sperme mais son sang te répugne
Elle courbe ses seins
Tu acceptes sa sculpture
Mais quand elle a ses menstrues
Tu refuses d'être sculpté
"Rase-toi"
"Épile-toi"
"Dégage !"
"Ne me touche pas si tu as du sang qui coule"
Elle a ce flux menstruel
Pourtant c'est toi qui es monstrueux
Elle courbe ses seins
Tu acceptes sa sculpture
Mais quand elle a ses menstrues
Tu refuses d'être sculpté
Elle est l'héritière du Throne de sang
Et tu lui dis qu'il n'y a pas qu'ça
Mais tu refuses la nuances si la couleur veut s'pacser
Elle courbe ses seins
Tu acceptes sa sculpture
Et quand elle aura ses menstrues
Sauras-tu te faire sculpter ?"
La Guêpe