"Tandis que durant les dernières décennies, les tatouages ont majoritairement été des manifestation d'anticonformisme, ils sont désormais revendiqués comme des expressions d'individualité", explique Margot Mifflin, professeure d'anglais et de journalisme à l'université de New York (auteure de "A Secret History of Women and Tattoo") au web magazine américain Mic.
Selon les chiffres d'une étude américaine datant de 2012, les femmes se feraient à présent plus tatouer que les hommes (23% de femmes tatouées contre 19% d'hommes). Ces chiffres nous apprennent deux choses : les tatouages se démocratisent, et surtout ils ne sont plus l'apanage exclusif de la gent masculine. En effet, cet art a longtemps été considéré comme marginal et "viril", à tel point que les premières "tattooed ladies" devinrent des stars de foires aux monstres (freak shows) au début du siècle dernier, bien plus populaires que leurs collègues de genre masculin...
Les masculinistes, se proclamant "men's rights activists", insultent copieusement les femmes tatouées (demandez à Google si vous avez l'estomac bien accroché, nous refusons de faire de la publicité à ces violents propos misogynes !). Selon eux, elles perdent ainsi toute "féminité" en "abusant de leurs droits". Ce simple exemple -et choix de terminologie- suffit pour nous faire prendre conscience du fort potentiel d'empowerment du dermographe et de son caractère "dérangeant", lorsqu'il pique la peau d'une femme.
L'encre permettrait à cette dernière de réclamer la propriété de son corps, en dépit des attentes de la société à son égard (injonction à "la douceur", à la "pureté" et autres salades). Ce n'est pas pour rien que les plus grands top-models du moment passent sous l'aiguille malgré la frilosité des maisons de couture. Voilà de quoi donner l'envie de se faire tatouer un motif rebelle à la plus sobre, la plus douillette des féministes !
Se faire tatouer, c'est à la fois un rite de passage et un message hautement symbolique. Ainsi, beaucoup de femmes choisissent des motifs ou des phrases affirmant leur force, la faisant passer de l'intérieur vers l'extérieur, aux yeux de tous, par cet acte de modification corporelle. La douleur causée par l'aiguille n'est pas anodine dans ce rituel, marquant l'étape entre l'avant et l'après : on est fière de l'avoir surmontée, que ce soit en grimaçant, ou en restant stoïque.
Nombreuses sont celles qui font désormais écho à des épreuves ou à une maladie parmi leur collection de tattoos. Ainsi, la toile se gonfle chaque jour un peu plus de messages épidermiques sur la difficulté de la dépression (ou de vivre avec un vitiligo), ou encore sur la victoire face à une leucémie, une tumeur, des métastases. Les femmes ayant été opérées du cancer du sein optent d'ailleurs de plus en plus pour des fresques tatouées sur leurs cicatrices au lieu d'une chirurgie reconstructrice.
Lorsque l'on interroge les personnes tatouées, comme on peut le voir sur le site The Tatoorialist (qui sort en ce moment même son second livre) ou autres médias spécialisés, la réponse qui revient le plus souvent est que c'est une manière de "contrôler" l'apparence de son corps, de l'apprivoiser. On assiste donc depuis quelques années, à l'émergence de tatouages "body positive", pour aller au bout de cette démarche vis-à-vis du corps.
Les femmes (et quelques hommes aussi) se font à présent tatouer des messages militants anti-grossophobes ou anti-validistes, en accord avec leurs expériences, pour envoyer un message d'amour à leur corps. Le tout, en faisant un pied de nez à la société patriarcale qui se plaît tant à régir l'apparence physique féminine. Le tatouage est une arme body positive comme nulle autre. La révolution des corps est en marche, cela ne fait plus aucun doute.