Hollywood n'est pas joueur. Et il aime moyennement "parier" sur l'avenir. Ses prises de risque sont pesées et soupesées, actées à partir de datas finement étudiées. Car Hollywood a une mémoire vive, celle des dollars. Et les chiffres du box-office ne mentent pas : en 2018, Black Panther, adaptation au cinéma des aventures du premier super-héros noir de l'univers Marvel, pulvérisait les records, cumulant plus de 192 millions de dollars de recettes en seulement trois jours d'exploitation et générant 1,3 milliard de dollars de revenus dans le monde. Inouï.
Le film de Ryan Coogler devenait alors historique, un moment de bascule culturel et politique. Soudain, l'industrie réalisait enfin que les Afro-américain·e·s- si longtemps stéréotypé·e·s, sous-représenté·e·s voire invisbilisé·e·s- pouvaient générer des profits et pas qu'un peu. "Félicitations à toute l'équipe Black Panther !", avait d'ailleurs tweeté l'ex First Lady Michelle Obama pour marquer ce changement de paradigme. "Grâce à vous, les jeunes verront enfin des super-héros qui leur ressemblent sur grand écran. J'ai adoré ce film et je sais qu'il inspirera les gens de tous horizons à creuser profondément et à trouver le courage d'être les héros de leurs propres histoires."
Black Panther a donc ouvert une porte. Et les studios s'y sont engouffrés.
Nouveau projet en date signé Sony : le spectaculaire The Woman King, qui sort ce 28 septembre en France (et dont Terrafemina est partenaire). Si Black Panther se passait dans le royaume fictif du Wakanda, ici, nous voilà transporté·e·s en Afrique de l'Ouest, dans le royaume de Dahomey au 19e siècle. Au coeur de son intrigue, les extraordinaires Agojié, unité de guerrières ultra-badass menée par la Générale Nanisca (Viola Davis). Une armée 100% féminine qui aurait d'ailleurs inspiré les combattantes de... Black Panther.
Et The Woman King est surtout le tout premier film à gros budget (100 millions de dollars) porté par un casting d'actrices noires et réalisé par une femme afro-américaine (Gina Prince-Bythewood). C'est peu dire si ce long-métrage est une nouvelle fois important. Et l'influente et engagée Viola Davis le sait.
L'actrice oscarisée, qui tient ici le rôle principal, a milité durant des années auprès des producteurs pour les convaincre d'investir dans ce long-métrage ambitieux. "Avant tout, le film doit rapporter de l'argent. Et je suis divisée vis-à-vis de cela (...) S'il ne rapporte pas d'argent, ça veut dire quoi ? Que des femmes noires, des femmes à la peau foncée ne peuvent pas être en tête du box-office mondial ?", avait expliqué Viola Davis à l'AFP en amont de la sortie. "Si vous pouvez dépenser votre argent pour voir Avatar ou Titanic, vous pouvez dépenser votre argent pour aller voir The Woman King. Et si nous sommes vraiment égaux, alors je vous mets au défi de le prouver", avait-elle lancé.
Ce projet colossal suscitait ainsi autant d'espoirs que d'inquiétudes. Mais la star féministe peut aujourd'hui souffler. Car oui, Hollywood a une mémoire. Et une fois encore, les chiffres ne mentent pas. Sorti aux États-Unis le 16 septembre dernier, The Woman King a engrangé 19 millions de dollars de recettes au box-office outre-Atlantique lors de son premier week-end, pulvérisant largement les prévisions. Un "succès surprise" ? Pas vraiment.
Ces jolis chiffres soulignent une nouvelle fois l'appétence du public pour des récits dans lesquels les spectateur·rice·s se retrouvent, se voit représenté·e·.s. Et le film de Gina Prince-Bythewood fait ici coup double, mettant au centre de sa narration des femmes racisées, bousculant ainsi le paysage uniformément blanc et masculin des blockbusters. La diversité paie : selon les premières analyses dévoilées par Deadline, les femmes représentaient 60% du public qui s'est rué en salles et les personnes noires 59%.
La réussite de The Woman King pourrait donc, à l'instar de Black Panther, marquer une nouvelle étape salutaire et secouer un Hollywood #SoWhite, qui semble enfin opérer sa mue. Pas trop tôt ?