"Mais nannn !" Bah si. La marque australienne Khòlò a eu la drôle d'idée de lancer une ligne de vêtements du nom du mouvement de libération de la parole #MeToo. Ce n'est pas la première fois qu'une marque s'inspire du féminisme pour faire vendre. Comme d'habitude, cela part d'une bonne intention, mais se faire de l'argent sur un combat ou les blessures des autres, cela devrait être réfléchi à deux fois plutôt qu'une.
Non, ce n'est pas un sujet du bac de philo mais les bacheliers pourraient s'en inspirer. Peut-on tout se permettre sous prétexte que l'on fait ce que l'on considère être de "l'art" ? La création de vêtements peut être artistique et faire passer un message, mais quand il s'agit de les vendre (assez cher dans le cas de cette marque), cela pose de réels soucis moraux.
Dans la collection #MeToo de la marque Khòlò (dont le slogan est "De l'art dans votre garde-robe"), on peut trouver deux robes aux noms de mauvais goût : "Retire-moi" ou "Bête de sexe dans la nuit". On y trouve également le haut "pull armé".
La créatrice de la marque, Karishma Kasabia, explique sur son site comment elle a eu l'idée de commencer la collection après la création d'une première pièce dédiée à la poétesse et écrivaine Maya Angelou, "le manteau Maya Angelou". Quand le mouvement #MeToo a commencé à déferler, elle a voulu réfléchir à une collection en lien avec les femmes, les armures et le self-defense. Cette collection est dédiée selon elles "aux battantes, pour toutes les blessures, mentales, physiques et le pire, émotionnelles".
Mais on ne peut pas prétendre régler tout cela avec trois bouts de chiffons. La démarche de Karishma Kasabia interroge sur les processus de création. Elle en parle elle-même sur son site : "Si un artiste avait fait une oeuvre d'art et l'avait vendue dans une galerie et que son titre avait été #MeToo, est-ce que cela aurait lancé la même conversation ? Est-ce que cela est différent parce que j'ai lancé 20 unités de vêtements ? Ou 10 badges ? Je ne sais pas – en toute honnêteté. Mais quelque chose m'a inspiré pour dessiner."
Car tout le monde n'a pas compris cette démarche : "S'il vous plait, reconsidérez votre collection #MeToo. Aucun pourcentage du profit ne va a des services qui aident les survivant·e·s d'agressions sexuelles, des vêtements avec des noms comme "bête de sexe", ou "enlève-moi". En tant que personne qui a été agressée par un homme de pouvoir, votre collection ressemble à une démarche opportuniste réalisée dans le seul but de faire du profit."
Le 14 juin, la créatrice a finalement décidé de changer le nom de la collection, après de nombreuses marques de désapprobations de ses clientes.
"Nous avons renommé la collection 'MeToo' en collection 'The Magnificient'. Elle est inspirée par le mouvement MeToo [...] donc pour moi, cela a été naturel de lui donner le nom de collection 'MeToo'. Toute la série a une pièce qui la relie à l'empowerment, à MeToo, au féminisme et aux femmes guerrières. [...] Hier soir, j'ai appris que j'avais heurté des femmes. Elles ont eu le sentiment que c'était de la monétisation du concept et je ne voudrais jamais faire de l'argent sur la peine de quelqu'un. [...] Cela a commencé par une bonne intention et je suis tellement désolée que cela ait joué comme un déclencheur pour vous, ou que cela vous ait causé de la peine de quelque manière que cela soit. "
Un revirement qui a été bien reçu, comme par cette internaute sur Instagram par exemple : "J'apprécie le fait que vous ayez changé le nom. Le problème que certaines victimes d'agressions sexuelles que je connais ont (moi y compris), c'est le nom de certains vêtements. Ils peuvent être comparés aux excuses que les gens ont quand ils agressent. Qu'"ont l'air trop belle", "qu'on le cherchait". Et c'est pourquoi ce n'est pas de l'empowerment quand cela est mis en parallèle aux phrases de ceux qui les utilisent pour vous blesser."