Contrôlée depuis 2007 par le mouvement islamiste du Hamas, la ville de Gaza est, aujourd'hui encore, régie par la loi islamique. Si le régime restreint les libertés des Gazaouis, en imposant des règles très strictes tant en matière de droit pénal que de vie quotidienne, il provoque également l'effet inverse. Ainsi depuis deux ans, la chirurgie esthétique serait en plein boom dans la ville de Gaza.
Le phénomène aurait en effet pris une place importante dans la vie des habitants de la ville, malgré la situation de conflit que connaît le territoire depuis de nombreux mois. Liposuccion, pose d’implants mammaires, lifting, rhinoplastie, abdominoplastie... La ville serait devenue, en l'espace de quelques mois, le nouveau fief du botox à tout va, à en croire plusieurs chirurgiens de la ville.
Et les chiffres en la matière donnent le tournis. Au Cosmetic and Laser Surgery Center de Gaza, une quinzaine d'opérations majeures et plus de cent interventions mineures sont pratiquées chaque mois, selon le Dr Jalaa Talmas, directeur du centre chirurgical, interrogé par l’agence Xinhua News. Même son de cloche du côté de la clinique du Dr Salah Zaanin, qui se confie au quotidien Al-Monitor. Ouvert il y a deux ans, l'établissement spécialisé avance une augmentation de ses interventions de 600% par rapport au mois précédent en matière d'injections de Botox. « Il y a eu aussi une augmentation de 300% en ce qui concerne le gonflement et l’embellissement des lèvres », complète le chirurgien, qui se targue d'opérer des centaines de patients dans cette ville de 450 000 habitants, et précise même recevoir la visite de clients pour des opérations qui se pratiquent d'ordinaire à l'étranger.
Raison de cet engouement sans précédent pour la chirurgie plastique ? « Nous sommes un peuple qui aime la beauté comme tous les autres », résume Salah Zaanin. Le progrès technique ne serait, selon lui, pas étranger au boom de la consommation chirurgicale : « Beaucoup de femmes ont commencé à s'occuper de leur bien-être émotionnel et physique, surtout après avoir pris connaissance des progrès accomplis dans le domaine de la chirurgie esthétique et la présence d'un équipement moderne à Gaza ».
Raison technique donc, mais raison économique aussi. Les interventions pratiquées à Gaza coûteraient entre 1000 et 2000 dollars. 300 dollars pour des injections de silicium. Des prix bien en dessous du marché, soulignent les professionnels de la ville. « Par conséquent, toutes les classes sociales ont recours à la chirurgie esthétique. Par exemple, les pauvres optent pour des opérations à bas prix », observe Salah Zaanin. Un facteur auquel sont également sensibles beaucoup de femmes de la ville qui, de plus en plus actives, profitent d'une plus grande indépendance financière.
Mais le recours à la chirurgie trouve aussi sa justification dans d'autres facteurs plus psychologiques. Selon le Dr Nafez Abu Shaaban, chef du Service de chirurgie plastique et de traitement des brûlés à l’hôpital Shifa de Gaza, si Internet et les chaînes de télévision auraient en partie influencé les habitants de la région, c'est surtout la recherche d'une meilleure qualité de vie qui motiverait les Gazaouis dans leur démarche.
Face à des conditions de vie difficile et une anxiété permanente en raison des campagnes militaires à répétition, de plus en plus d'habitants trouvent dans la chirurgie esthétique un échappatoire à la dureté du quotidien, un moyen de se prouver qu'ils ont encore le choix de décider ce qu'ils veulent faire de leur propre corps. Une possibilité qui séduit d'ailleurs autant les femmes que les hommes. Ces derniers sont en effet de plus en plus nombreux à vouloir faire disparaître leurs rides, dans l'espoir de faciliter leur accès au mariage. Ultime conséquence de l'application de la loi islamique qui incite les hommes à sauter le pas : selon les règles en vigueur dans la région, toute femme qui souhaite recourir à ce type d'opération doit venir consulter accompagnée d'un tuteur masculin (père, mari, frère). Des rendez-vous qui semblent inspirer les hommes pour imiter leur entourage féminin.