Charmed a profondément marqué toute une génération d'ados et de jeunes adultes. Entre sororité (littéralement), sorcellerie, combats acharnés contre des démons et histoires d'amour à l'eau de rose depuis leur manoir de San Francisco, les aventures télévisées des soeurs Halliwell ont fait des émules. Seulement, derrière la caméra du carton de la chaîne The WB, et plus tard programme clé de La trilogie du samedi sur M6, des anecdotes ternissent l'image d'un show à l'origine vecteur de valeurs empouvoirantes.
Krista Vernoff, la scénariste qui en a été aux manettes pendant 4 ans, entre 2000 et 2004, a confié aux journalistes de The Hollywood Reporter pourquoi elle a fini par partir. Et, spoiler, la façon dont le male gaze s'est immiscé dans ce projet censé célébrer les femmes et leur puissance en est clairement l'une des causes principales.
Elle se souvient notamment d'une scène qui a signé un tournant majeur dans l'écriture de la série. "J'ai accepté de travailler sur Charmed car c'était une série très girl power. À peu près à mi-chemin (Charmed a été diffusée de 1998 à 2006, ndlr), il y a un épisode où Alyssa Milano était en tenue de sirène. Et cela a provoqué une hausse énorme du nombre de téléspectateurs masculins", raconte-t-elle. Un succès qui, s'il satisfait les producteurs, impacte sérieusement le message véhiculé.
"À partir de là, après chaque épisode, la question que la chaîne posait était : 'comment va-t-on faire pour les filles soient nues cette semaine ?' Ils me balançaient de l'argent, les chiffres grimpaient, et il y avait toute cette pression. Tout ce que je me disais c'était : 'Je suis en train de créer quelque chose de mauvais pour le monde, et j'en ai assez'". Ajouter à cela la disparition de son père, et l'autrice décide de démissionner.
Sur les réseaux sociaux, alors que la révélation prend de l'ampleur et résonne plus librement dans une société post-#MeToo, l'actrice Alyssa Milano a réagi, visiblement attristée par la déclaration de l'autrice : "Eh bien, cela m'a absolument brisé le coeur", commente-t-elle. "J'espère que nous n'avons pas fait quelque chose qui était 'mauvais pour le monde' pendant huit ans. Je pense que nous avons donné la permission à une génération de femmes d'être elles-mêmes, d'être fortes et de posséder leur sexualité. Je suis tellement fière de ce que cette série a signifié pour tant de personnes."
Krista Vernoff, elle, a précisé sans retirer ses propos : "Je veux clarifier ici pour les fans de Charmed et aussi pour mes collègues de Charmed que j'aime et admire. Je ne crois pas que la série ait été mauvaise pour le monde. J'ai senti que les notes objectivantes étaient mauvaises pour le monde – et démoralisantes pour moi."
Dans la foulée, l'actrice Holly Marie Combs, qui interprétait Piper au sein du trio magique, a répondu : "Tu avais le pouvoir de changer ça. Et heureusement, tu l'as encore." Un court texte assorti du hashtag #Rebel, en référence au titre du nouveau projet de Krista Vernoff.
Après de longues années auprès de Shonda Rhimes sur Grey's Anatomy et le spin off Station 19, la cinéaste sera aux commandes d'un drame inspiré de la vie de l'activiste Erin Brockovich, pensé par ses soins et incarné par Katey Sagal (Sons of Anarchy). Cette fois, il y a de bonnes chances pour que le male gaze ne l'emporte pas.