Lundi 14 septembre, les lycéennes et collégiennes françaises ont défié la mention "tenue correcte exigée" inscrite dans les règlements intérieurs de leurs groupes scolaires. Elles se sont indignées contre son interprétation arbitraire et sexiste, qui varie d'un établissement à l'autre au bon vouloir de celles et ceux qui la font appliquer, et vise majoritairement les jeunes filles qui portent des vêtements courts. Des jupes jugées "provocantes", des hauts étiquetés "indécents". Des tenues qui "déconcentreraient les garçons", à en croire les remarques de l'administration rapportées par les concernées sur les réseaux sociaux.
Révoltées, elles se sont habillées de ces mêmes jupes et hauts pour se rendre en cours, pancartes à la main, en signe de protestation contre ce qu'elles estiment être un traitement inégal et injuste, allant jusqu'à "justifier le viol". "Éduquez vos fils", pouvait-on lire devant le lycée Edouard Branly, à Boulogne-sur-mer - sous-entendu arrêtez de culpabiliser les filles pour les agissements des garçons. Et plus tard, les comportements des hommes.
Le mouvement a pris une telle ampleur que le ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer y a réagi le même jour. Interrogé par BFM TV sur les revendications de ces dernières, l'homme politique a pris parti, sans hésitation. Seulement, pas en faveur des élèves. "Les chefs d'établissements sont évidemment dans leur rôle à vouloir faire respecter des tenues normales, tout simplement", a-t-il lancé. "De ce point de vue-là, je crois qu'on doit bien se garder des extrémités, on doit être dans une position d'équilibre et de bon sens".
Il insiste : "Entre ceux qui veulent qu'on ne voit pas leur visage, et ceux qui veulent avoir des tenues de tous ordres, je pense qu'il y a une sorte de grand bon sens qu'on doit avoir. C'est d'ailleurs un bon sens qu'on retrouve dans les règlements intérieurs des établissements". Pour conclure, Jean-Michel Blanquer lâche : "Il suffit de s'habiller normalement et tout ira bien".
Le choix des mots du ministre laisse perplexe. "Tenues normales", "normalement", "bon sens". Des termes dont la définition ne peut-être que subjective, ici conditionnée par une société qui n'a de cesse de diaboliser le corps des femmes. Voire de sexualiser celui de jeunes mineures. D'ailleurs, si la loi évoque des principes de "laïcité" et de "neutralité", elle ne stipule rien sur les tenues (non-religieuses) des écolier·e·s.
Sur Twitter, la docteure en Histoire et militante féministe Elodie Jauneau s'adresse avec pertinence à Jean-Michel Blanquer : "C'est quoi 's'habiller normalement'? S'habiller selon le 'bon sens'? 'des tenues normales' ? Selon quel regard ? Qui décide ? Qui juge ? À quel moment on va laisser les corps des jeunes filles et des femmes tranquilles ?"
Dans les colonnes du JDD, l'ancienne secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes Marlène Schiappa, qui avait apporté son soutien au mouvement lycéen et à ses instigatrices, signait le 14 septembre : "L'indécence est dans les yeux de celui qui regarde. (...) Ce n'est pas aux filles de changer leurs vêtements mais aux gens de changer leur regard".
Un changement nécessaire pour atteindre une égalité cruciale. Mais la route semble encore longue.
Alors même qu'elles luttaient contre le sexisme en ce début de semaine, plusieurs adolescentes ont été - une fois de plus - pointées du doigt à cause de leurs vêtements. Elles témoignent : "Ma prof qui vient de me dire 'tu penses que c'est une tenue pour venir en cours ?' je suis en short débardeur", tweete l'une d'elles. "Mon proviseur m'a demandé de ne plus jamais venir avec ce genre de tenue au lycée car je cite 'elle est trop provocante'", dénonce une autre.
Une troisième rapporte, preuve à l'appui, le cas de son amie qui a écopé d'un avertissement pour un short aussi court que celui d'un garçon, qui lui n'a pas été inquiété.
Reste à savoir si, ici encore, le ministère de l'Education nationale balayera ces discriminations assumées d'un revers de main, en les qualifiant de "normales" ou en assurant qu'elles relèvent d'un "bon sens" républicain.