"En Afghanistan, on commence à comprendre comment l'espace peut devenir de plus en plus petit pour les femmes, comment leurs droits sont mis de côté, comment elles finissent par en être privées". Ces mots sont ceux de la journaliste américaine Clarissa Ward, correspondante pour la chaîne d'information américaine CNN. Dans un pays repris en mains par les talibans depuis le week-end dernier, la reporter de 41 ans est à Kaboul et a pu observer un inquiétant phénomène : la recrudescence des ventes de burqas dans les rues.
Un commerçant de la capitale lui aurait ainsi expliqué vendre de plus en plus de burqas ces derniers jours. Pourquoi ? "Car les gens ont peur". Ce "boom" de la burqa témoigne déjà des incidences du respect de la loi islamique (ou charia), souhaitée par les talibans, et qui comprend donc le port de la burqa, le voile intégral, pour les femmes. Femmes et filles afghanes sont en première ligne concernant la répression des libertés et droits sous le régime taliban.
"J'ai vu quelques femmes dans les rues de Kaboul ces derniers temps, mais je dirais que j'ai vu beaucoup moins de femmes que je n'en verrais d'habitude. Et celles que vous voyez marcher ont tendance à être habillées de manière plus conservatrice qu'elles ne l'étaient au même endroit hier", note encore la reporter.
Inquiétant état des lieux.
"Le vrai sujet, ce sont encore les personnes qui ne sont pas dans les rues aujourd'hui, qui se cachent chez eux, qui sont pétrifiés à l'idée de sortir, qui craignent d'être des cibles, qui craignent pour leur vie, ont trop peur de raconter leurs histoires", a développé Clarissa Ward. Les propos de la correspondante internationale de CNN en disent long sur l'étendue d'une situation critique : ce que l'on ne voit pas inquiète au moins autant que ce que l'on voit dans les rues de Kaboul - notamment, des femmes terrifiées qui viennent acheter des burqas par "anticipation".
"C'est quelque chose qu'honnêtement je n'aurais jamais pensé voir. J'ai vu plus de burqas aujourd'hui que j'en avais vu depuis un moment. Évidemment, je suis moi aussi habillée d'une manière très différente de la façon dont je m'habillerais normalement pour marcher dans les rues de Kaboul", conclut la journaliste. Si le porte-parole des talibans Zabihullah Mujahid a annoncé lors d'une première conférence de presse ce 17 août que le port de la burqa ne serait pas imposé aux femmes, nombreux sont ceux qui accueillent ces informations avec perplexité.
D'autant plus lorsque le même Zabihullah Mujahid affirme que le gouvernement islamique serait "ouvert et inclusif", ou bien encore que "l'Émirat islamique ne veut pas que les femmes soient des victimes". Des mots reçus sans grande conviction lorsque l'on sait que les représentations publicitaires de femmes sont déjà badigeonnées dans la capitale depuis plusieurs jours. Ce qui n'augure rien de bon.
"Dans les rues, il y a des talibans partout : ici, là et là. Les gens ont peur. Tout le monde peut deviner à quoi ressemblera la situation sur le terrain dans deux heures, sans parler de deux jours, deux mois", a enfin déploré Ward. A bon entendeur.