"Toute ma tendresse". C'est ce qu'a exprimé Jamel Debbouze à l'égard d'Agnès Jaoui le 23 février dernier, avant de lui remettre un César d'honneur. Le discours de l'humoriste, exercice d'équilibriste entre anecdotes persos, déclaration d'amour et imitations de Jean-Pierre Bacri, en a ému beaucoup.
Dont la principale concernée.
Cela, l'actrice le rappelle aujourd'hui à Madame Figaro. "La première image qui me vient à l'esprit quand je me souviens de ce moment là, tout de suite, c'est Jamel. Je vois Jamel avec son visage ému, qui m'a dit ensuite que c'était la chose la plus difficile qu'il ait eu à faire de sa vie".
"Ce que je veux bien croire : je sais que qu'on était à la fois tous les deux heureux, tout en sachant que c'était une épreuve pour l'un comme l'autre. Pourquoi ? Parce qu'on pensait à Jean-Pierre. Beaucoup. Et qu'il était là".
Des mots bouleversants de la part de cette grande fan de Thelma et Louise ("C'est un film qui m'a beaucoup marqué. Je m'identifie à celle qui flingue !"), venue rendre un énième hommage à "son" défunt ex compagnon, et éternel binôme d'écriture et de jeu. Pourquoi Jean-Pierre Bacri n'était pas un mec comme les autres ? Pour le savoir, on écoute cette femme engagée.
Jean-Pierre Bacri était un homme différent. Agnès Jaoui l'explique dans les pages du féminin : "Quand on écrivait ensemble, j'étais dans l'ombre puisqu'il était plus célèbre, plus âgé et plus "un homme". Mais il en souffrait, presque davantage que moi. Plus tard, outre le fait qu'il n'avait de toute façon pas envie d'être réalisateur, il était très heureux que je sois dans la lumière".
"C'était quelqu'un qui n'aimait pas avoir le premier rôle, le leadership. Être "l'homme"... Il n'avait pas du tout cet ego-là, cela facilitait beaucoup les choses. Cela se jouait parce que c'était lui, parce que c'était moi... Si tout le monde pouvait comprendre qu'aimer ce n'est pas posséder, et que personne n'appartient à l'autre, ça aiderait beaucoup quand même"
Dans l'excellent portrait/documentaire "Jean-Pierre Bacri, comme un air de famille", Sam Karmann évoque la manière dont la vie de Jean-Pierre Bacri s'est retrouvée bouleversée par l'apparition d'Agnès Jaoui. Le comédien et réalisateur explique qu'Agnès Jaoui a fait de son binôme un homme féministe, plus à l'écoute des femmes, plus sensible. Sa vision des femmes s'est dès lors épanouie et enrichie d'une façon bien différente.
On l'imagine aisément tant les deux artistes semblent complémentaires et indissociables. Les mots que voue Agnès Jaoui à l'amour font écho aux réflexions d'autrices comme Mona Chollet ou Aline Laurent-Mayard sur le sujet : l'idée d'une relation sans domination, d'un vivre-à-deux qui ne se limite ni forcément au cadre du couple, ni essentiellement à ce schéma de la "possession", si prisé par le "romantisme".
Aussi intime que politique !