D'après une enquête menée par BBC News, près d'un tiers des universités anglaises auraient eu recours à des accords de confidentialité pour empêcher les victimes d'agression sexuelle de rendre l'affaire publique. Un chiffre et un procédé aberrants, qui témoignent du peu de considération que ces établissements réservent aux étudiant·es (en majeure partie féminines) qui viennent chercher de l'aide.
C'est ce qu'a vécu Charlotte, inscrite à l'University of West London. Elle s'est fait agresser sexuellement par un de ses camarades, et a eu le réflexe de se rendre au poste de police après les faits. Là-bas, suite à un entretien de cinq heures où on ne la ménage pas, on lui dit qu'une enquête ne sera pas effectuée car les preuves physiques sont insuffisantes. Les officiers appuient leur décision en citant qu'elle a eu "un trou noir". Désemparée, elle se tourne vers l'administration de son université. La réponse est la même, voire pire.
Elle part trois semaines en congé maladie et revient sans trouver le moindre soutien de la part de la fac, ni d'indulgence auprès de ses profs pour les cours manqués. L'un d'eux dira même à ses camarades de classe qu'elle "s'est mise dans une mauvaise situation", les décourageant de la contacter. Au lieu de lui offrir le soutien nécessaire, on la remercie de ne pas avoir "ruiné la vie de son agresseur supposé", rapporte-t-elle. "Ils m'ont littéralement remerciée", poursuit-elle. "Je ne peux pas croire que quelqu'un ait pu dire ça quand ça m'est arrivé à moi. Et pas à lui." Elle explique que le membre de l'administration lui intime de n'en parler à personne, sans quoi elle serait expulsée sur le champ.
"C'était l'enfer sur terre", avoue-t-elle Charlotte. "La façon dont ils m'ont traitée était pire que l'agression elle-même. Je me sentais si seule." L'étudiante décide d'amener l'affaire devant la justice, l'université réplique en lui proposant un arrangement : 1000 livres sterling (1200 euros) contre la signature d'un accord de confidentialité l'interdisant d'en discuter les termes.
De son côté, West London assure qu'elle a apporté tout le soutien possible à Charlotte, et garantit avoir renforcé ses procédures de traitement de cas similaires, comme le recommandait le gouvernement. "Nous avons une équipe de personnel qui est formée pour soutenir les étudiants qui se retrouvent victimes d'agressions sexuelles".
Malheureusement, ce cas n'est pas isolé. Une autre victime, Olivia, ancienne étudiante dans une université différente, a subi le même traitement après avoir été violemment agressée sexuellement par l'un de ses camarades, rapporte le média britannique. Une fois encore, la police la renvoie chez elle pour "manque de preuves." Elle aussi signe l'accord de confidentialité que lui propose la fac car il mentionne que son agresseur ne pourra plus la contacter. A l'époque, elle craint pour sa sécurité, alors elle accepte. Son université menace de la poursuivre en justice si elle s'exprime, affirme-t-elle. "Cela m'a terrifiée", lâche Olivia. "Ils m'ont dit de ne pas le dire à mes parents, à mes amis, de me taire... J'avais l'impression que c'était ma faute."
Selon les données obtenues par le podcast The Next Episode, 300 étudiants ont signé des accords de confidentialité depuis 2016 dans 45 universités, et 1,3 million de livres sterling ont été versés à l'ensemble des étudiant·es. D'après BBC News, il s'agirait cependant d'une "sous-estimation". L'année dernière, il a été rapporté que les cas de violence et de harcèlement sexuels dans les universités avaient triplé en trois ans, avec seulement 33 des 124 universités ayant employé des enquêteurs spécialisés pour interroger les étudiant·es qui font ces réclamations.
Les réactions ne se sont pas fait attendre. Le gouvernement britannique a ainsi déclaré qu'il était "inacceptable" d'utiliser ce type de contrat pour les plaintes des étudiant·es et annoncé légiférer pour empêcher que cela se reproduise dans tous les domaines de la société. Pour Chris Skidmore, ministre des Universités, des sciences, de la recherche et de l'innovation, "ce n'est rien d'autre qu'un abus de pouvoir", a-t-il tweeté.
Selon Eurostat, en 2015, le Royaume-Uni enregistrait le plus grand nombre de plaintes pour agressions sexuelles d'Europe, avec 35 310 plaintes au total rien qu'en Angleterre et au Pays de Galles.