Les images tournées par Anahi Aguilar et diffusées sur Facebook le 8 octobre dernier, relance le débat sur les violences faites aux femmes au Pérou. Cette vidéo d'un homme tirant sa compagne par le bras, puis la traînant à même le sol sur plusieurs mètres, jusque dans les escaliers d'un immeuble de la capitale péruvienne, a été relayée par les médias nationaux et diffusée dans tout le pays.
Comme le rapporte le site péruvien El Comercio, Anahi Aguilar a accompagné sa voisine de 23 ans déposer plainte au commissariat et son agresseur a été arrêté par la police. Micaela de Osma confie dans les colonnes des RPP Noticias, que son compagnon l'avait menacée avec un couteau, hurlant qu'il allait la tuer. "Ensuite, il m'a demandé le code de mon téléphone, je lui ai donné alors qu'il maintenait le couteau au niveau de ma gorge, a-t-elle raconté. Quand il l'a retiré, j'ai tenté de m'enfuir en courant mais il m'a rattrapé. C'est là que la dame qui vivait en face nous a filmés".
Ame Camino Forsyth, la soeur de l'agresseur, a condamné l'attitude de son frère dans un post Facebook, affirmant que rien ne pouvait justifier les actes de Martin, "ni ses déséquilibres émotionnels, ni les drogues. Moi je suis contre toute forme de violence et dans n'importe quel cas. Ma mère, ma soeur, mes filles et moi sommes solidaires de Micaela que nous aimons beaucoup et de toutes les femmes qui ont été confrontées à ce genre d'agressions psychologiques ou physiques". Désemparée, Ame Camino Forsyth a ajouté avoir déjà tenté d'aider son frère, mais être sans nouvelle de lui depuis plusieurs semaines.
Si ces images ont fait leur effet dans tout le pays, c'est qu'il est rare qu'une femme battue soit filmée et qu'elle porte plainte, dans cette société marquée par des siècles de machisme où le féminicide est fréquent. Selon le mouvement féministe Ni Una Menos, cité par BBC Mundo, un féminicide ou une tentative de féminicide a lieu chaque jour, en majorité perpétré par un conjoint ou un ex-conjoint. L'association a recensé 941 cas de 2009 à juin 2017. "C'est merveilleux que la voisine ait filmé la scène", a expliqué la journaliste Paola Ugaz, proche du mouvement féministe, à BBC Mundo. "Si cette fille (Micaela de Osma, ndlr) l'avait seulement raconté, ça n'aurait pas été pareil".
Selon le ministère de la femme et des populations vulnérables, 82 féminicides et 156 tentatives ont été recensés entre janvier et août 2017. Des chiffres témoignant d'un réel problème de société et de l'intérêt qu'aurait le gouvernement à durcir les lois en vigueur pour encourager les victimes à parler. Car si le féminicide a été ajouté au code pénal péruvien en 2013 et qu'il est désormais passible d'une peine de prison, la majorité des femmes ont peur de porter plainte contre leur agresseur. La ministre de la femme et des populations vulnérables, Ana María Choquehuanca, a salué le réflexe d'Anahi Aguilar, qui en filmant cette scène, a permis aux Péruviens de mettre des images sur des récits : "Nous ne devons jamais rester silencieuses", a-t-elle ajouté.
La vidéo de l'agression de Micaela a tant ému le pays, que Ni Una Menos a décidé d'organiser une marche le 25 novembre prochain, pour réclamer une meilleure législation en vue de protéger les femmes victimes de violences. Une première marche avait été organisée en août dernier et avait rassemblé des milliers de personnes, ce qui n'était encore jamais arrivé au Pérou pour ce genre de thème. Le pays n'est sans nul doute qu'au début de son combat.