"Autant avoir trois kilos de plus et s'aimer" : cette chanteuse dénonce la "haine anti-grosses" dont elle a été victime

"C'est une 10/10 mais elle pèse plus de 70 kilos, c'est une combien ?" 

Cette citation vous est peut être familière. Sur des réseaux sociaux comme TikTok, de jeunes hommes interrogent des passants de leur âge, en mode micro trottoir, sur les notes qu'ils attribueraient aux femmes. Oui, déjà, ça commence mal. Sauf que leur intervieweur suggère en bonus que la moyenne baisse largement si... La fille en question fait plus de 70 kilos. Et ce n'est même pas une blague. "C'est mort, faut que je puisse la soulever non?", s'amuse d'ailleurs l'un des "sondés". A l'ère d'Ozempic, fléau qui touche le monde de la mode (et pas seulement) on navigue en plein culte, régressif, de la maigreur.

Cette tendance bien sexiste comme il faut de la "notation de meufs", qu'on décrypte pour vous ici, une chanteuse phénoménale la dézingue volontiers avec ses mots, doux et précis : Helena, l'une des révélations de la Star Academy (promo antérieure) et voix solaire de tubes comme Mauvais garçon et Summer body. Devant les caméras de Konbini, l'interprète de Gentil garçon (une "chanson-miroir" qui n'a pas convaincu tout le monde) s'est permise d'étriller la grossophobie. Vous savez, cette "haine anti-grosses" qui stigmatise et discrimine. Au travail, dans les transports, dans l'inconscient populaire...

"Avant j'étais très complexée", confesse sans détour la jeune femme de 23 ans. "Je pouvais carrément essayer des fringues durant des heures en sachant par avance qu'elles ne m'allaient pas... Je déprimais quoi. J'avais un gros problème de confiance en moi. On a tous nos complexes. Personne ne pourra te dire tout à fait : moi, je m'aime...".

Et la vingtenaire de libérer la parole....

Sur le plateau de C à Vous, au diapason, Helena a repris son libérateur Mauvais garçon - elle y relate masculinité toxique, relation d'emprise et violences psychologiques - tout en envoyant valser cette stigmatisation et ce culte normalisé du "summer body". Et le déplore : "on vit dans une société qui nous fait complexer". Face à cela, elle aime à rappeler que "tous les corps sont beaux".

Summer Body, auquel elle a dédié un titre éponyme, particulièrement décomplexant d'ailleurs. Comme un hymne body positive. A Konbini, elle s'en réfère : "Le plus gros problème avec le succès de Summer Body, c'est que quand deviens porteuse de ce message-là, et bien tu es obligée de l'assumer. Je ne peux pas écrire Summer Body et ensuite pleurer dans mon coin parce que je suis trop grosse..."

En l'écoutant, on pense à des discours particulièrement militants...

Comme celle de l'essayiste et documentariste Gabrielle Deydier, fondatrice du webzine Ginette le Mag, qui dans son enquête On ne naît pas grosse (Editions Goutte d'Or), transposée en documentaire (On achève bien les gros), dénonce justement cette grossophobie. 

A Terrafemina, elle décrypte : "Oui, le terme "grossophobie" est mieux entendu dans la société, mais il ne suffit pas que les médias se l'approprient pour que la situation s'améliore vraiment. Les gens comprennent mieux de quoi il est question quand on parle de grossophobie, mais les réactions ou discours grossophobes sont encore loin d'être rares" 

"L'exemple de la mode est parlant : oui, c'est positif de proposer des défilés plus inclusifs, des mannequins body positive (je ne trouve pas que l'on sombre dans le "fat washing"), mais les gens ont trop tendance à croire que parce qu'ils voient des personnes grosses dans un défilé, alors le problème serait forcément réglé... En fait, la grossophobie ne désigne pas simplement des moqueries ou des blagues vaseuses, mais aussi une violence sociale et professionnelle réelle. Dans le traitement de la grossophobie, on va plus volontiers parler de la mode et des égéries grosses, de la beauté, que de l'accès au travail, au logement, l'accès à la santé et aux loisirs. On ne parle pas forcément des gros et grosses humiliés dans les parcs d'attraction devant leurs enfants. Du caractère excluant des espaces publics, des sièges dans les salles de spectacle".

Ces propos ont une portée politique. Le déclic de Helena fut intime, comme une révolution intérieure.

Elle l'explique, sur le plateau de Konbini toujours, lors de cet échange très introspectif sur son rapport à soi, à son corps et à l'amour : "... Puis j'ai finalement compris comment était mon corps, comment il fallait que je le sublime, pourquoi je devais ne pas me faire de mal. Il faut accepter sa morphologie. Autant avoir trois kilos en plus et s'aimer !" 

"Quand j'ai fait la Star Ac j'ai repris confiance en moi car tout le monde me disait : tu es trop belle, je veux être comme toi. Alors qu'en vrai c'est triste, car tu es beau comme tu es, tu ne dois pas te comparer à quelqu'un d'autre !... Aujourd'hui je prends beaucoup plus soin de moi. Et ca me fait m'aimer. Tous les jours je me regarde dans le miroir et je me dis : t'es jolie, t'es trop fraîche !... C'est hyper important de se le dire à soi même"