Pendant la Seconde Guerre mondiale, elles ont été des milliers de jeunes filles à être arrachées à leur famille pour être enrôlées de force dans des bordels où elles servaient d'esclaves sexuelles aux soldats de l'armée impériale japonaise. Des Coréennes pour la plupart, mais aussi des Chinoises, des Indonésiennes et des Philippines jetées dans bordels alors qu'elles étaient parfois encore mineures.
Aujourd'hui, elles ne seraient plus que 70 à être toujours en vie aux Philippines, rapporte l'association Lila Pilipina, qui vient en aide aux anciennes femmes de réconfort. "Beaucoup sont mortes sans avoir obtenu justice, déplore à l'AFP Hilaria Bustamante, 90 ans. Mais nous allons nous battre jusqu'à notre dernier souffle. Nous voulons dire à l'empereur Akihito : payez vos dettes. Nous vous tenons responsable des souffrances des femmes de réconfort durant la guerre."
Malgré son arthrose, Hilaria Bustamante ne veut pas abandonner. Depuis maintenant 70 ans, elle se bat inlassablement pour que le gouvernement japonais reconnaisse ses torts et présente ses excuses. Avec six autres anciennes esclaves sexuelles, Hilaria Bustamante a défilé mercredi 27 janvier aux abords du palais de Malacanang, à Manille, où l'empereur Akihito était officiellement reçu par le président Benigno Aquino. "Parlez à votre gouvernement des grands-mères philippines qui se battent pour leurs droits", a lancé au mégaphone une de ces anciennes esclaves, Narcisa Claveria, 85 ans, à l'attention de l'empereur.
Au total, près de 200 personnes se sont mobilisées pour réclamer réparation à l'empereur Japonais. Car si les autorités japonaises ont déjà présenté leurs excuses aux femmes de réconforts des Philippines, les compensations financières, elles, ont été fournies par le secteur privé. Insuffisant, jugent les victimes, qui exigent regrets et réparation de la part du gouvernement japonais.
Fin décembre, le Japon a présenté ses "excuses sincères" à la Corée du Sud pour l'enrôlement de jeunes femmes dans des bordels pour "satisfaire" les soldats impériaux et offert un milliard de yens (7,5 millions d'euros) pour en guise de dédommagement pour les 46 Sud-Coréennes toujours en vie. Aucune négociation de ce genre n'a pour le moment été entamée entre Manille et Tokyo.
Pour les dernières "femmes de réconfort" philippines, il est impensable que le gouvernement japonais ne reconnaisse pas ses torts. "C'est un cauchemar qui ne s'arrête jamais, raconte à l'AFP Estelita Dy, 85 ans. Notre coeur est lourd et nous ne savons pas où nous tourner pour obtenir de l'aide."
Kidnappée par un soldat japonais à l'âge de 14 ans alors qu'elle se trouvait au marché, elle raconte ensuite être restée trois semaines dans un bordel militaire avant de réussir à s'enfuir grâce à l'aide d'un espion philippin. Trois semaines qu'elle ne pourra jamais oublier. "À chaque viol, je fermais les yeux, je pleurais, et je priais pour que tout se termine bientôt."
Estilata estime qu'elle a eu de la chance d'être reprise par sa famille. Réchappée de l'enfer du bordel, elle s'est mariée, a eu deux enfants et a gagné sa vie comme vendeuse de gâteaux de riz. Ce n'est malheureusement pas le cas de toutes les "femmes de réconfort", dont beaucoup ont été répudiées par leurs parents conservateurs.